Poète qui, veillant dans la nuit calme et noire,
Vois passer des lueurs de génie et de gloire.
Veux-tu pour un instant m' écouter et me croire?
Tu songes, n'est-ce pas ? Tu songes, frémissant,
Combien il serait beau, fût-ce au prix de ton sang
D'être la voix qui parle au siècle finissant.
Mais tu cherches peut-être, en ton âme ingénue,
Quels rythmes, quels accords d'une audace inconnue
Pourraient faire au soleil éclater ta venue ;
Dans la forêt des monts, quels détours, quels combats,
Quels chemins non frayés où sonneraient tes pas ?
— Ami, ne cherche plus: tu ne trouverais pas.
Si tu dois être, un jour, marqué du divin signe,
Rien ne t'approchera de cet honneur insigne
Que de le mériter, que de t'en rendre digne ;
Tu ne peux rien de plus, tu ne peux rien de mieux
Que, des fleurs de ton âme, avec un soin pieux,
Orner la place auguste où descendront les dieux...
AUGUSTE DORCHAIN