Je m'incline devant Toi, derrière Toi et Te salue de tous les côtés, ô Toi qui es le Tout. infini dans Ta puissance, illimité dans Ton action, Tu pénètres tout - en vérité Tu es tout et chacun.
Bhagavad Gita, XI,40.
S'abandonner au Divin est un
mystère. Mentalement on peut concevoir de s'abandonner au divin, mais c'est
purement mental, intellectuel et ça ne produit rien dans la sadhana. Tout juste
s'accrocher à des concepts qui au final produisent l'inverse. S'abandonner au
Divin c'est déjà s'abandonner à ce qui est, sans vouloir changer quoique ce
soit, tout en aspirant, intensément, par un sentiment qui part du coeur et de
l'être profond , appelant vers le haut. Voilà la seule attitude que l'on peut
décrire pour pratiquer ce mouvement vers le Divin. S'abandonner au divin
survient donc de multiples façons. Et
lorsque s'effectue le contact avec le Divin, avec cette réalité qui est
l'essence de toute chose, il y a un triple mouvement d'abandon.
Le premier
mouvement est de s'abandonner à ce que nous ne pouvons concevoir, ne pouvons
saisir ni appréhender, ni connaitre, le mental se tait, ou du moins nous le
laissons faire sans lutter ni s'identifier, il passe en second plan, acceptant
son manège mais en le laissant se satisfaire lui même de ce qu'il est sans lui
apporter de consentement, ni l'alimenter, ni chercher à le contrôler ou le
tarir. Il est, un point c'est tout, mais il y
aussi une présence au-dessus de lui, plus large que lui, plus profonde
que lui qui est là en soi, et notre attention se tourne alors pleinement vers
cet espace en nous qui est pure perception et conscience de ce qui est.
Le second
mouvement c'est l'abandon au moment où le contact avec cette Conscience suprême,
essence de toute chose, survient. Arraché à notre réalité ordinaire nous sommes
soudainement aspiré par la réalité suprême, cette conscience absolue essence de
toute chose et nature véritable de tout. Chacun de ces moments d’absorption dans le
divin est une retrouvaille de l'essence de tout, de l'identité véritable, qui
n'est pas "notre", mais qui est celle qui est. Il n'y a plus de notre, mien , mon,
tien. Aucun pronom possessif ne l'accompagne. Je suis cela au sens ontologique,
le je n'est plus le je nominatif, il
n'est qu'une forme conventionnelle pour exprimer, communiquer avec le langage
le témoignage de cette ontologie. Cette soudaine aspiration en la divinité
peut se manifester de multiples manières, d'une infinité de manières probablement,
et constitue le phénomène de l'expérience spirituelle, de l'expérience d'éveil
à cette réalité. Peut importe ce phénomène, il nous révèle l'essence et c'est
cette essence, cette conscience, ce divin qui est l'essentiel.
Chacun de ces
moments en prépare d'autres, pour intégrer la divinité plus largement, intégrer
la conscience plus profondément, embrasser les multiples aspects de cet Etre et
les découvrir à mesure de ce dont nous sommes capables. Et hormis ce Divin ,
nul autre ne peut connaitre ce dont nous sommes capables, rien ne nous donne le
droit de revendiquer que ce soit de plus rapide, plus globale, plus parfait.
Seule la sincérité de notre aspiration et par conséquent de notre abandon à ce processus
permet de nous remettre entre les mains de celui qui sait et d'accepter ce
qu'Il décide. Tout comme l'aspiration et l'éveil peuvent se manifester de façon
si inattendue, si soudaine, parfois si violemment, ne correspondant à aucune
conception ni attente que nous avions de comment tout cela se produirait.
L'aspiration peut aussi s'effectuer de manière subconsciente et ressurgir dans
le sommeil où la volonté et le mental au repos permettent de laisser place à
cette intentionnalité profonde et sous-jacente de notre psychisme, et se
manifester au travers de notre être sans avoir aucune prise dessus par la saisie
mental ou la volonté.
Un rêve semi-conscient d'aspiration à un aspect du
Divin, qui se manifeste selon notre ishta devata, tel que Krishna, peut monter
dans le sommeil et cette aspiration peut se manifester sous une véhémente
intention d'appeler celui
vers qui notre
âme est attirée.
Alors dans ce rêve semi conscience, l'intention du
psychique se manifeste par le bras tendu et le poing levé hurlant à
Krishna de venir, (presque un appel de colère mélangée à de
l'imploration hurlante). Et soudainement
le rêve semi-conscient devient conscient et laisse place à une
expérience de type mystique: d'en haut un double fracas de tonnerre
déchirant les sommets au-dessus de soi, illuminant d'un éclair blanc
l'espace entier au dessus de soi et en soi, et soudain Krishna-foudre,
Krishna-tonnerre, se manifeste
en une tornade qui devient un tourbillon d'une attraction énorme qui
aspire,
arrache, en un mouvement d'une intensité et d'une rapidité inouïe,
emportant dans ce souffle irrésistible aspirant et tourbillonnant la
partie subtile de l'être vers ces hauteurs. Tout est balayé, rien en soi
ne résiste, et la sensation est de s'envoler aspiré par ce tourbillon
en voyant la paroi intérieure de la tornade défiler à vive allure.
Très
vite l'abandon est obligatoire, aucun mouvement de résistance n'est à
envisager, les sensations subtiles, y compris celles du corps font
instantanément comprendre que toute opposition serait vaine,
contre-productive, voir même douloureuse, et éventuellement dangereuse
pour l'ajustement corps subtil-corps physique. Rien en soi ne peut
résister à l'intensité et à la
violence du phénomène. L'abandon est automatique et le tourbillon aspire
l'être
psychique hors du corps physique et le transporte pour l'approcher au
plus près de cette
conscience suprême, au plus près de ce que nous sommes capable
d'approcher,
apportant ainsi l'essence de cette expérience: la Conscience Divine vers
laquelle l'être veut aspirer, tend à aspirer. Et cette conscience divine
répond
avec la force et l'intensité proportionnelles à celles de l'appel
intérieur.
Alors
rien de ce qui est dans ce monde ne
prend d'importance au regard de cette puissance et de cette force divine
capable d'un tel pouvoir d'attraction. Coronavirus ou pas, Covid-19 ou
pas,
lutte dans la vie quotidienne ou pas, soucis important du quotidien ou
pas, le
regard et l'être sont après coup portés vers cette essentialité divine
et celle-ci accroit l'intensité de l'aspiration vers l'absorption de
tout ce que je suis en ce Divin Krishna, en la Divinité suprême.
Telle
fut la surprise saisissante de ce Krishna-foudre dans cette nuit du 10
au 11 avril 2020, en pleine période d'intenses évènements extérieurs
harassants à gérer et submergeant le mental au quotidien. Mais malgré
les énormes préoccupations du mental et les pressions qui en
découlaient, une braise psychique était entretenue par des moments
d'aspiration au Divin, des lectures de passage de la Bhagavad Gîta
débutées les deux jours précédents, des méditations, et des centrages en
laissant être ce qui est.
L'abandon aux énergies de la nature et le
contact physique quotidien avec la terre s'harmonisait dans l'être,
favorisant l’équilibre des énergies, et la monté en soi d'énergies
puisées dans l'éveil printanier, et peut être l'influence encore récente
de la pleine Lune, traditionnellement associée à Krishna (d'ailleurs la
naissance de Krishna est célébrée le huitième jour de la lune
décroissante en juillet-aout), ou encore l'approche du nouvel an hindou fêté le 14 avril 2020 ( Nava-Varsha Nouvel An solaire hindou cf. ce lien: Comprendr le calendrier hindou). Pourquoi pas une combinaison de tous ces
facteurs, ou peut être aucun! On ne sait pas!
Le troisième mouvement
d'abandon est ensuite d'accepter d'abandonner toute saisie, de
s'abandonner à
l'abandon de tout, y compris à accepter l'abandon de cette présence et
ne pas chercher à la
maintenir, mais aspirer comme un quêteur de l'infini et prendre
conscience que
la relation au divin devient cette unique mouvement de quête s'opérant
dans un
jeu de cache-cache où l'inattendu a toujours le dernier mot; et on peut
jouer
le jeu de la vie sans avoir peur d'être terrassé par quoique ce soit de
cette
vie, puisque celui qui nous terrassera au final c'est le Divin lui-même;
et sa puissance
est telle qu'il est naturel de s'abandonner à Lui et de laisser faire ce
qui est, car c'est Lui qui est ce qui est. Tout alors quotidiennement
devient un rappel à sa présence, une stabilité en soi de s'en remettre à
sa présence, qu'elle soit perceptible ou non - peut importe -, ce qui
importe c'est qu'il devient le Maître de notre vie et que l'on s'y
abandonne, continuant à vaquer à nos occupations, en laissant un peu
plus de place à la contemplation de ce Divin, à se souvenir qu'il est
là, à neutraliser les activités du mental en laissant émerger cet aspect
de Soi qui reconnait partout ce Divin, et se reconnait partout en ce
Divin, à ne pas laisser les préoccupations et les angoisses du moment
prendre le-dessus ou si elles émergent les remettre au Divin, et devenir
stable en ce Divin. A ne pas se préoccuper de comment les évènements du
monde vont se manifester, quelles tournures ils vont prendre, ni
chercher à vouloir contrôler quoique ce soit pour parfaire la situation,
car cela semble vain et l'intuition est le seule guide.
Celle-ci se
développe naturellement en se remettant de plus en plus Divin, et au
ressenti intérieur. Rester centré, détendu, serein et conscient, sans
chercher à provoquer quoique ce soit d'expérience ni de résultat à
obtenir, sans chercher à bien pratiquer ou quoi que ce soit de ce genre,
ou ni même à éviter les soit disant erreurs. Bref, tous ces processus
qui tendent au final à s'éloigner de l'Absolu, de l’Être, du Divin. La
sadhana consiste à se remettre à cette essence absolue, quelle soit
envisagée comme conscience, ou comme divin, peut importe les approches,
cette présence existe, elle est, elle est tout.
Sylvère