La méditation est l'art majeur de l'être humain.
Jiddu Krishnamurti
Méditer empêche de déprimer.
La preuve par le scanner.
Une étude des Hôpitaux Universitaires de Genève
En agissant sur le cerveau, la méthode de la pleine conscience diminue fortement le taux de récidive chez les personnes dépressives.
En agissant sur le cerveau, la méthode de la pleine conscience diminue fortement le taux de récidive chez les personnes dépressives.
«On peut entraîner l’esprit comme on
entraîne un muscle ou un geste dans un sport.» Le Dr Guido Bondolfi, médecin
adjoint agrégé au service des spécialités psychiatriques, applique sa maxime
depuis plus dix ans avec les patients qu’il suit. Responsable du programme
dépression, il a mis sur pied des séances de groupe fondées sur une méthode
dite de pleine conscience (mindfulness). «Des exercices de méditation sont
enseignés afin d’être plus attentif au moment présent et de tenir à distance
les émotions négatives», explique-t-il.
Cette pratique est particulièrement
bien adaptée aux personnes dépressives qui tombent facilement dans le piège des
pensées négatives. En effet, la dépression est une maladie multirécidiviste :
la moitié des personnes qui en fait une, en refera une; après deux épisodes
dépressifs, on note 70% de rechutes; après trois, ce chiffre s’élève jusqu’à
90%. «C’est un peu comme si chaque dépression en appelait une nouvelle», note
le Dr Bondolfi. Alors qu’un facteur de stress comme un deuil, une séparation ou
la perte de son emploi, peut déclencher la première crise, ce n’est pas
toujours le cas pour les suivantes. «Une petite variation d’humeur suffit à
provoquer le processus de la rechute. Ces personnes sont happées
automatiquement par des pensées, émotions ou sensations négatives, ce qui
réactive la spirale de la déprime.»
Le programme s’adresse à des
candidats en rémission, mais qui ont déjà fait deux ou plusieurs dépressions et
redoutent le retour de la tempête. Il se déroule sur huit semaines au rythme
d’une séance hebdomadaire en groupe, de deux heures, animée par un psychiatre
ou un psychologue, et complétée par 45 minutes d’entraînement quotidien. «La
prise de conscience permet de répondre aux événements au lieu d’enclencher
automatiquement des ruminations», détaille le psychiatre. Et les résultats sont
probants: le taux de rechute à un an diminue presque de moitié, passant de 63%
à 36%.
Fort du succès clinique et de
l’intérêt des patients, le Dr Bondolfi vient de mener une étude (lire l’encadré
ci-contre) avec l’équipe du Pr Patrik Vuilleumier, directeur du Centre des
neurosciences de l’Université de Genève et codirecteur du laboratoire du
cerveau et du comportement humains. Les participants ont passé une IRM
fonctionnelle du cerveau avant les huit semaines de méditation et une autre
après. Là aussi les images sont parlantes. «Plus les personnes étaient
anxieuses et dépressives, plus l’effet de la méditation était important sur une
région du cortex frontal médial. Avant sans réponse, après nettement plus
activée», relève le neurologue. Et le Dr Bondolfi de conclure: «Nous commençons
à comprendre quels sont les mécanismes cérébraux impliqués. A l’avenir, le but
sera de déterminer avec précision les patients pour lesquels cette méthode a le
plus de bénéfices.»
L’étude menée par le Dr Guido
Bondolfi et le Pr Patrik Vuilleumier, était composée de deux groupes : dans le
premier, des personnes ayant fait plusieurs dépressions ou souhaitant apprendre
à mieux gérer leur stress et participant au programme de méditation HUG; dans
le deuxième, des non malades ne suivant aucun traitement(groupe contrôle).
Ces deux groupes ont passé un
scanner à deux reprises, à distance de huit semaines. Cet examen, entrecoupé
par des séances de méditation pour le premier groupe et par aucune thérapie
pour le deuxième, visait à mesurer l’activité cérébrale dans trois différentes
conditions: au repos, lors d’une tâche attentionnelle, comme détecter des
formes apparaissant sur un écran, et pendant une vidéo montrant des scènes de
joie ou de colère. «Au cours des trois situations, nous avons constaté dans le
premier groupe des modifications dans des régions frontales médiales du cerveau
liées à l’introspection et à la régulation des émotions. Cet effet était le
plus marqué chez les patients ayant souffert de plusieurs dépressions,
notamment dans une zone du cortex cingulaire antérieur. Cette région était
nettement plus activée après. La pratique de la méditation leur a permis de
mieux contrôler leurs émotions», explique le Pr Vuilleumier.