Loin de toute mystification ou de caractère secret ou magique attribué souvent à ce mot dans l'hermétisme et la recherche spirituelle, l'initiation désigne tout simplement l'action de donner ou de recevoir les éléments d'un Art, d'une pratique, d'une science...
Donc
l'initiation s'entend dans les sens d'initier, d'amorcer un processus
d'implication dans une direction de recherche.
Bien
que traditionnellement l'initiation ait pour sens celui d'admission aux
mystères, c'est avant tout la démarche de s'initier à quelque chose dont il est
plus précisément question. Initier étant issue du latin initiare "initier,
c'est-à-dire instruire, amorcer. Le sens du mot est à rapprocher d'initialiser,
d'initial, c'est-à-dire débuter, commencer. Allumer le début d'une
découverte, mettre en mouvement une recherche, un apprentissage et donner les
rudiments, les clefs essentielles pour le faire. Allumer pour démarrer
l'apprentissage, la découverte d'une pratique, c'est-à-dire allumer le feu
intérieur en transmettant les moyens de base pour amorcer ce mouvement. Bien
qu'il n'y ait aucun lien étymologique nous pouvons corroborer phonétiquement la
signification d'initier avec celle d'igné, du latin igneus "de feu,
enflammé", dérivé de ignis " feu", en anglais ignition
signifiant allumage. Ce sens correspond au sankrit agni qui désigne le feu
sacré, le feu spirituel, du Dieu Agni.
Selon
Sri Aurobindo « Agni, dans le culte ordinaire, peut avoir signifié simplement
le dieu du feu védique, ou il peut avoir signifié le principe de la chaleur et
de la lumière dans la Nature matérielle, ou chez le plus ignorant il peut avoir
représenté seulement un personnage supra-humain, un des nombreux "
dispensateurs de richesse", qui exaucent le désir humain. Comment
suggérer, à ceux qui étaient capables d'une conception plus profonde, les
fonctions psychologiques du dieu ? Le mot lui-même remplissait cet office. Car
Agni voulait dire le Fort, il signifiait le Brillant, ou même la Force, la
Brillance. Ainsi, partout où il figurait, il pouvait aisément rappeler à
l'initié l'idée de l'Énergie illuminée, qui édifie les mondes et qui exalte
l'homme vers le Très-Haut, l'Accomplisseur du grand-œuvre, le Purohit du
sacrifice humain. »
« La
racine ag- signifie aussi la lumière, l'action de brûler, le pouvoir
inondé par la flamme allumée de la connaissance, celui qui possède ce pouvoir
est semblable à Agni. »
Ce
feu intérieur qui se développe par tapas, c'est -à -dire l'action de diriger sa
Volonté vers un effort soutenu pour s'offrir au Divin ( le sens véritable du
sacrifice humain du Véda). Pour Sri Aurobindo : « Cette action du Tapas
est le yoga du maître-des-yoga (Yogesvar), ce qu'on appelle la volonté Divine
ou la Volonté Cosmique, c'est cette volonté divine ou tapas-shakti qui crée ou
conserve l'univers. Agni est ce tapas. »
L'initié
s'illumine donc par le pouvoir de ce feu spirituel. Il effectue une ascèse, ce
qui lui confère le caractère d'adepte. L'initié devient l'adepte, celui qui adopte
une pratique, s'adapte et accomplit un effort dans cette pratique en vue d'en
récolter les fruits.
Adepte,
comme le mot initié, est employé fréquemment dans l'univers de la philosophie
hermétique et a plusieurs significations.
Tout
d'abord il peut désigner toute personne dont les recherches ressortent plus ou
moins de l'alchimie. Il vient du latin des alchimistes adeptus issue du verbe adipisci
et de apere qui signifie "attacher , lier", de même origine que apte
, du latin ate "serré, joint" et d'aptus, synonyme de capable. Une
origine commune est issue du sankrit apa "il a atteint". Par ailleurs
aptus a donné adaptere "équipé pour", avec le sens d'être adapté.
Le
mot adepte signifie donc " qui a atteint" et s'applique depuis le
milieu du 17e siècle à l'alchimiste sur la voie du Grand Oeuvre; de là le sens
d'être "initié à une confrérie".
Dans
un sens plus précis les adeptes sont les vrais alchimistes, par oppositions aux
simples empiriques ou "souffleur".
L'Adepte
avec un A majuscule , est l'alchimiste qui a découvert la Pierre Philosophale,
c'est le "grand initié".
Dans
ses Révélations alchimiques , Jacob Boehme souligne que: "La fin du Grand
Œuvre est pour l'adepte de se débarrasser quand il le voudra de la chair
corruptible sans passer par la mort. "
Le
feu qu'il soit solaire (de notre Soleil), cosmique (venant des étoiles hors de
notre système solaire ou infra-terrestre (du feu du centre de la Terre) ou
encore extra-cosmique (venant d'au-delà de notre univers manifesté) est une
entité vivante, un feu secret que l'adepte s'efforce de découvrir en lui et
dans les force de la nature et d'éveiller. Ce feu cher à toute les traditions,
cet agni, est l'élément commun de l'alchimie externe et interne. La présence du
feu se retrouve toujours dans l'alchimie traditionnelle, et symbolise l'élément
en soi qu'il faut développer par l'ascèse intérieure pour accéder à
l'illumination, la développer et l'intégrer à tout les niveaux de l'être
pour une transformation intégrale.
Dans
la tradition védique antique, l'initié connaissait implicitement la
signification spirituelle des divinités, mais au fil des époques la question de
garder cette transmission intacte devint une préoccupation comme
l'explique Sri Aurobindo dans Le Secret du Véda:
« Ou
comment faire pour que l'auditeur garde à l'esprit que tous ces dieux sont des
personnalités du Déva universel unique ? Les noms des dieux, par leur
signification même, rappellent qu'ils ne sont que des épithètes, des
caractérisations, des descriptions, non des appellations personnelles. Mitra
seigneur de l'Amour et de l'Harmonie, Bhaga seigneur de la Joie, Surya seigneur
de l'Illumination, Varuna seigneur du Vaste omniprésent et de la Pureté du
Divin soutenant et perfectionnant le monde, sont tous des aspects du Déva.
"L'Existant est Un, déclare le Rishi Dirghatamas, mais les sages
L'expriment diversement; ils disent Indra, Mitra, Varuna, Agni; ils L'appellent
Yama, Matarishvan " (I-164-46). L’initié, au printemps de la connaissance
védique, n'avait nul besoin d'une déclaration si explicite. Les noms des dieux
étaient pour lui suffisamment évocateurs et lui rappelaient cette grande vérité
fondamentale dont il restait toujours conscient.
Mais
par la suite, le procédé même utilisé par les Rishis mit en péril le maintien
de la connaissance. Car le langage changea de caractère, rejeta sa souplesse
première, abandonna les vieux sens familiers; le mot, diminué, rétréci, fut
réduit à sa signification superficielle et concrète. Le vin ambrosiaque de
l'Ananda disparut de l'offrande matérielle; l'image du beurre clarifié n'évoqua
plus qu'une vulgaire libation en l'honneur de divinités mythologiques,
maîtresses du feu et du nuage et de la tempête, ayant pour seul dynamisme une
énergie matérielle et pour seul éclat un vernis extérieur. L'esprit oublié, la
lettre subsista; le symbole, le corps de la doctrine demeura, mais l'âme de la
connaissance avait quitté son habitacle. »
Selon
cet exemple souligné par Sri Aurobindo concernant la tradition védique, de
façon plus universel, quelque soit sa pratique, l'adepte doit donc s'initier
aux arcanes de la connaissance et adopter un savoir être au monde inspiré par
le sens initiatique de sa quête. Il suit une aspiration vers son illumination
et s'inspire du sujet ou de l'objet de sa quête. Dans ce processus il peut
être guidé par son intuition ou amené par la nécessité impérieuse de progresser
à découvrir et s'initier à divers pratiques ou connaissances pour affiner et
compléter sa quête intérieure, sa connaissance de soi, son évolution
spirituelle.
Une
initiation permet au chercheur de découvrir une pratique, qui peut correspondre
plus ou moins à sa quête, ou compléter son cheminement dans son développement
intérieur, apportant une contribution à son évolution spirituelle. L'initiation
permet d'amorcer le début d'une pratique, de la découvrir et d'en appréhender
les fondements pour continuer ensuite à l'approfondir et à l'explorer si besoin
est.
Chacun
prend l'initiative de son initiation. L'initiation peut être transmise par un
livre, une situation, une rencontre, un expérience. Chaque individu peut
s'initier en suivant son intuition et devenir autodidacte en diversifiant les
sources de la connaissance.
Chaque
chercheur doit se frayer son propre chemin dans le désert de l'Esprit, et
chacun doit également dépasser la focalisation habituelle du
mental sur la
Réalité Consensuelle.
L'initiation est avant tout une démarche intérieure venant de l'aspiration psychique à croitre spirituellement et évoluer en conscience. Par conséquent on ne peut recevoir l'initiation qui dépend d'une forme extérieure, mais plutôt à ne dépendre que de notre propre sincérité et aspiration à chercher en soi. Alors le chemin s'ouvrira en conséquence de notre aspiration.
L'initiation est avant tout une démarche intérieure venant de l'aspiration psychique à croitre spirituellement et évoluer en conscience. Par conséquent on ne peut recevoir l'initiation qui dépend d'une forme extérieure, mais plutôt à ne dépendre que de notre propre sincérité et aspiration à chercher en soi. Alors le chemin s'ouvrira en conséquence de notre aspiration.
Traditionnellement
tel
que l'envisage les pratiques tantriques ou hermétiques, l'initiation
s'entend comme l'entrée dans un Cercle est un rituel qui symbolise
et / ou aide l'initié à commencer une transformation intérieure.
Actuellement,
trop souvent, le rituel est purement symbolique et ne sert qu'à relier
l'initié
à l'égrégore de groupe (énergie de groupe ou forme-pensée) et à créer
une
lignée politiquement consensuelle. Pour rejoindre certains certains
adeptes de la tradition hermétique, la transformation réelle de l'initié
n'a
lieu que si le demandeur par son aspiration s'engage à poursuivre sa
recherche
selon sa propre méthodologie. Ces méthodes sont souvent absentes de
l'ensemble
des connaissances transmises à l'initié. Trop souvent, le dogme prend la
place
de l'expérience mystique personnelle qui est pourtant la marque du
succès de
l'initié. Il incombe à toute aspirant qui se soumet à un tel rituel à
caractère
initiatique de rechercher le savoir et le pouvoir (en lui) jusqu'à ce
que son initiation
devienne effective et qu'il fasse le pas sur le Sentier de façon
autonome.
Toute
Initiation vraiment efficace est véritablement une auto-initiation, en cela
qu'elle ne se réfère pas à un rituel d'auto-dédicace fondamentalement sans
valeur entre les mains de quelques «groupe» ou «gourou» ... mais à des années
(si ce n'est une vie) d'efforts soutenus. La
véritable initiation est le mouvement en soi, vers soi, qui mène à
l'intérieur de soi. Initier venant de initiare, dérivé de initium
(« début ») lui-même de ineo (« aller dans »), are signifiant aller vers, donc aller vers le dedans.
C'est un mouvement de descente et de plongé à l'intérieur de soi, pour
aller à la découverte de notre être profond, de notre véritable essence, notre Soi immuable. C'est un processus de maturation perpétuelle qui ne
dépend pas des formes ni d'aucune autorité extérieure mais de notre sincérité,
de notre aspiration et de notre honnêteté spirituelle, de notre constance et de
notre engagement sur la Voie.