Giambattista Vico (1668 – 1744)
DE L’ANTIQUE
SAGESSE DE L’ITALIE
RETROUVÉE DANS LES ORIGINES DE LA LANGUE LATINE.
RETROUVÉE DANS LES ORIGINES DE LA LANGUE LATINE.
CHAPITRE VII
De la faculté.
De la faculté.
Facultas, c’est faculitas, d’où est
dérivé facilitas, facilité ; ce qui signifie la puissance, la capacité
de faire sans peine et sans hésitation. C’est donc cette facilité, par laquelle
la vertu passe à l’acte. L’anima est une vertu ; la vision un acte,
le sens de la vue une faculté. Aussi la classification de l’École n’est pas
sans élégance ; elle appelle le sens, l’imagination, la mémoire,
l’intelligence, des facultés de l’âme (animæ). Mais cette élégance est
gâtée quand l’École place dans les choses les couleurs, les saveurs, les sons,
le tact. Car si les sens sont des facultés, dans l’acte de la vision nous
faisons les couleurs, dans celui du goût les saveurs, dans ceux de l’ouïe et du
tact les sons, la chaleur et le froid. C’était le sentiment des anciens
philosophes de l’Italie ; la trace en est visible dans les mots olere
et olfacere ; la chose sentie est dite olere, et le sujet
sentant olfacere, parce que le sujet (animans) crée l’odeur par
l’odorat. L’imagination est la plus certaine des facultés, parce qu’en
l’exerçant nous créons les images des choses. De même le sens interne ;
c'est en remarquant la blessure, au sortir du combat, que l'on sent la douleur.
Pareillement le véritable intellect est une faculté par laquelle, en comprenant
quelque chose, nous la faisons vraie. Aussi l'arithmétique, la géométrie et
leur fille la mécanique résident dans une faculté de l'homme ; nous y
démontrons le vrai parce que nous le faisons. Mais les choses physiques sont
dans la faculté du Dieu tout-puissant, en qui seul la faculté est vraie, parce
qu elle est parfaitement libre, aisée et rapide; de sorte que ce qui est
faculté en l'homme, est simple acte en Dieu ; il suit de ce qui précède,
que de même que l'homme en dirigeant sa pensée sur un objet engendre les modes
des choses et leurs images, c'est-à-dire le vrai humain, de même Dieu engendre
par sa pensée le vrai divin, et fait le vrai créé. Si nous disons improprement
en italien que les statues et les peintures sont les pensées de leurs auteurs
(pensieri degli autori), on peut dire proprement que tous les êtres sont des
pensées de Dieu (pensieri di Dio.)