O mère du poète, idéale patrie,
D'un chaud soleil dorée, — abondante et fleurie !
Ile au splendide abord, aux vallons merveilleux,
Que l'océan du ciel baigne de ses flots bleus !
Oh ! que ton air est pur ! oh ! que ta plaine est belle !
Jamais au soc divin elle ne fut rebelle :
La lyre y fait germer aux sillons radieux
L'Elysée et l'Eden, les anges et les dieux,
Et féconde, aux chaleurs d'un éternel solstice.
L'harmonie et l'amour, la gloire et la justice !
Un fleuve au large cours, doux Léthé de douleurs,
Y chante sous l'azur les rayons et les fleurs,
Et parfois de ses eaux, à la terre altérée,
Le poète dispense une goutte sacrée !
Citer et beau paradis ! ô jeune et frais séjour !
Nid d'Eve et de Vénus, baigné d'un chaste jour !
Toi qui, sans t'épuiser, mesure avec largesse
A l'artiste l'amour, au vieillard la sagesse ;
Ah ! si l'enfant, bercé sur ton sein maternel,
Veut descendre avant Cage au repos éternel ;
Le cœur chargé d'ennuis, las d'un songe sublime,
Avare, s'il emporte avec lui dans l'abîme,
Effaçant de ses pas la trace en tout endroit,
L'héritage de gloire auquel le monde a droit...
O mère ! qu'un volcan expiatoire gronde,
Et déchirant ton sein d'une flamme profonde,
Rende à l'humanité, de tout repos bannie,
Le souvenir du sage ou les chants du génie !
Leconte de Lisle, Poèmes divers
LES SANDALES D'EMPÉDOCLE - IV