Sous les feuilles noires des lauriers, sous les fleurs
amoureuses des roses, c’est ici que je suis couchée, moi qui sus tresser le
vers au vers, et faire fleurir le baiser.
J’ai grandi sur la terre des nymphes ; j’ai vécu
dans l’île des amies ; je suis morte dans l’île de Kypris. C’est pourquoi
mon nom est illustre et ma stèle frottée d’huile.
Ne me pleure pas, toi qui t’arrêtes : on m’a fait
de belles funérailles ; les pleureuses se sont arraché les joues ; on
a couché dans ma tombe mes miroirs et mes colliers.
Et maintenant, sur les pâles prairies d’asphodèles, je
me promène, ombre impalpable, et le souvenir de ma vie terrestre est la joie de
ma vie souterraine.
Les Chansons de Bilitis , Dernière épitaphe
Traduites du grec par Pierre Louÿs
Paris-1894