ICI entre les mers l'île poussa.
Ici s'est élevée la pierre de sacrifice,
Ici, sous le ciel noir, Zarathoustra
Alluma son feu de haute cime :
Signe de feu pour les bateliers en dérive,
Point d'interrogation pour ceux qui ont réponse...
Cette flamme au ventre blanc et gris
Lance dans les froids lointains les langues de son désir.
Elle courbe le cou vers des hauteurs plus pures,
Un haut serpent dressé droit d'impatience :
C'est juste devant moi que j'ai placé ce signe.
Mon âme même est cette flamme :
Elle brûle insatiable vers de nouveaux lointains
Vers le haut, vers le haut, son ardeur tranquille.
Pourquoi Zarathoustra s'est-il enfui des hommes,
Des bêtes, des terres amarrées ?
Il connaissait déjà les six solitudes,
La mer n'était pas assez solitude pour lui,
L'île le fit monter, sur elle il devint flamme
Et jeta l'hameçon au-dessus de son âme
Cherchant la septième des solitudes.
O bateliers perdus ! O ruines des vieilles étoiles
Vous, mers de l'avenir !
Vous, cieux insondés je jette l'hameçon vers toutes les solitudes :
Donnez réponse à l'impatience de la flamme.
Prenez-moi, le pêcheur des hautes-montagnes,
Mon ultime, ma septième solitude !
Friedrich Nietzsche ,
Poèmes, 1858-1888 , Les Dithyrambes de Dionysos.