Avoir foi en Dieu, c'est avoir foi en soi.
Upanishads du Yoga
Avant propos:
Je n'ai
pas connu Ma Sûryananda Lakshmi de son vivant mais j'ai été intérieurement
porté par son message éternellement vibrant. J'ai découvert son enseignement
par son livre "Une offrande de nous-même" qui m’avait à l'aube de ma
vie d'adulte, à l'époque de mes débuts sur le chemin, vraiment touché et
inspiré; et c'est en lisant par la suite ses livres sur le christianisme que
j'ai pu grâce à l'esprit pénétrant de ses écrits appréhender plus profondément
l'essence du Christ. Son œuvre est peu connue mais il me semble qu'elle a
réussit sa mission autant spirituellement que "éruditement" de relier
hindouisme et christianisme et de faire connaître l'un par l'intermédiaire de
l'autre permettant d'en faire l'expérience spirituelle.
Tel est
en tout cas mon expérience. Les passages suivant sont extraits de ses ouvrages : "Une offrande de nous-même" et "Aspects d'une
sadhana".
Sylvère.
« Ce
fut Louis Meylan, philosophe vaudois, pressentant en elle cette soif d'absolu,
qui lui mit entre les mains l'ouvrage de Vivekânanda sur le Jnâna Yoga. Et, en
effet, l'ayant lu, elle eut la certitude que s'était ouverte la porte menant à
l'univers de pensée auquel elle aspirait.
A
partir de ce moment elle se mit à l'étude des textes hindous, Bhagavad Gîtâ,
les écrits de Râmakrishna et Aurobindo Ghose avec lequel elle devait par la
suite être en étroite communion et qui lui donna le nom de Sûryânanda Lakshmî,
convenant à merveille à sa nature lumineuse; tandis qu'Anandamayee Mâ, un peu
plus tard, le fit précéder de Mâ, c'est-à-dire Mère. »
Madeleine LANGEVIN
Extrait de la préface de "L'Ascension de Jésus
Christ", un des ouvrages de Mâ Sûryânanda Lakshmî
La méditation
La méditation est une flamme blanche. Elle s'élève, droite et pure, au sein de la conscience qui ne voit qu'elle et qui la suit.
Aum shrî Râm jay Râm
jay jay Râm.
La méditation est une offrande de soi-même, un chemin secret où la persévérance
trébuche, où la pensée s'apaise,
un pays où l'on est aimé.
Aum shrî Râm jay Râm
jay jay Râm.
La méditation
est la prière silencieuse, l'exercice de la maîtrise de soi qui prédispose la
pensée humaine à croître en la sagesse de la grâce spirituelle. Elle immobilise
le corps, apaise la raison, fait taire les révoltes, les désirs, la combativité
de l'homme afin de l'accomplir dans la douceur de la compréhension parfaite qui
est amour et vérité. Elle utilise pour cela diverses méthodes :
- Le japa ou répétition d'une formule, d'un
nom sacrés, afin de canaliser l'agitation mentale, de l'alimenter divinement,
de remplacer son instabilité, son incertitude par la force révélatrice du Verbe
- Le pranayama ou respiration contrôlée dont
l'objet essentiel est l'éveil de la Kundalîni (« l'enroulée »), de la puissance
spirituelle en chaque créature. Car celle-ci est la base de l'existence, le fondement
divin de sa genèse cosmique. Il n'y a pas de piété réelle sans l'action de
cette énergie, permise par le renoncement à l'ego et l'aspiration à la
connaissance supérieure, à l'appréhension de l'Invisible : « L’Éternel dit à
Moïse : Je ferai ce que tu me demandes, car tu as trouvé grâce à mes yeux, et
je te connais par ton nom. Moise dit : Fais-moi voir ta gloire. » (Exode
33:17-18)
Telle est la
nostalgie constante et suprême de la méditation. Et voici son exaucement :
«
Moïse tailla deux tables de pierre comme les premières,
il se leva de bon matin, et monta sur la montagne de Sinaï, selon
l'ordre que l’Éternel lui avait donné, et il prit dans sa main les deux
tables de pierre. L’Éternel descendit dans une nuée, se tint là auprès
de lui, et proclama le nom
de l’Éternel. Et l’Éternel passa devant lui, et s'écria: l’Éternel,
l’Éternel,
Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et
en
fidélité, qui conserva amour jusqu'à mille générations, qui pardonne
l'iniquité,
la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour
innocent, et
qui punit l'iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des
enfants jusqu'à
la troisième et à la quatrième génération (Exode 34:4-7)
« Les tables de
la loi écrites du doigt de Dieu (Exode 31:18) « de l'un et l'autre côté » (id.
32: 1) « l'ouvrage de Dieu » (id. 16) sont l'homme lui même créé, articulé,
pénétré par la sagesse immuable de l’Être, dans le devenir comme dans l'Absolu.
Le résultat de
la révélation divine vécue dans l'incarnation est ceci : « Moïse descendit de
la montagne de Sinaï, ayant les deux tables du témoignage dans sa main, en
descendant de la montagne; et il ne savait pas que la peau de son visage rayonnait,
parce qu'il avait parlé à l’Éternel. » (Exode 34:29)
La conversion
est la volonté individuelle qui se tourne ( du latin convertere : tourner, se tourner ) vers l'Esprit invisible, au
dedans d'elle-même, qui devient indifférente aux attraits des sens et du monde concret,
qui domine ses élans et sa pensée afin de les offrir à Cela où se consomme sa
gloire. Elle n'est ni le changement, ni l'acceptation d'un credo particulier
s'opposant à d'autres credos. Elle est « le chemin, la vérité, la vie » par
lequel, peu à peu,
l'homme conçoit « le Royaume de Dieu au dedans de lui-même
» (Luc 17:21), « l'invisible plus réel que le visible ». (II Cor. 4:18)
« L'homme
naturel (c'est-à-dire psychique, différencié du tout et limité au savoir
dualiste) ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une
toile pour lui et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement
qu'on en juge. L'homme spirituel (le yogin, maître dans l'art de la méditation)
au contraire, juge de tout et il n'est lui-même jugé par personne. Car qui a
connu la pensée du Seigneur pour l'instruire ? » (I Cor. 2:15-16). Seul
l'Esprit connaît l'Esprit. Seul l'homme détourné de soi-même, né à la lumière
du Verbe possède la Sagesse et la Vision de ce qui Est.
AUM est la
syllabe originelle, la spontanéité de la sagesse première dans la blancheur de
l'Âme unique. Celui qui se concentre sur AUM et perd toute notion de sa
personne est libre en la lucidité parfaite de sa plénitude reconquise la
Supraconscience qui est son commencement et sa fin, l'alpha et l'oméga.
La
concentration mystique est la véritable religion : le chemin qui relie l'homme
à Dieu et Dieu à l'homme, car le mouvement est réciproque : « Dieu créa l'homme
à son image, il le créa à l'image de Dieu » (Genèse 1:27). L'Eternel descend en
lui et Il l'élève, l'attire à Soi. C'est l'Eternel seul qui fait tout. La
concentration est la recherche ardente, obstinée, passionnée de l'union bienheureuse
: « Moi et le Père nous sommes un » (Jean 10:30). Aum Tat Sat : je suis cela.
De la prière à
la concentration, il y a une intériorisation de l'intelligence, un approfondissement
de l'ouïe et de la vision immatérielles qui sont irréversibles et
irremplaçables , l'évolution de la respiration jusqu'à son allègement parfait (
le pardon signifiant : alléger, lancer au loin ; le pardon diminue la pesanteur
de la conscience physique et mentale dualiste jusqu'à la transfiguration dans
l'Esprit qui envahit tout ), puis sa cessation dans l'Immortalité. Cette
évolution emprunte au temps ses étapes mais elle est hors de la durée, hors de
l'espace, l'insondable actualité de la connaissance à jamais indivisible et
totale.
C'est un peu renverser les rôles que de
vouloir obtenir la concentration par la respiration contrôlée et cela comporte
de sérieux dangers pour la santé physique et mentale, surtout dans l'Occident
peu habitué à ce genre de discipline.
Le prânayama est en réalité la conséquence
naturelle de l'extase, un signe qui permet de reconnaître sa valeur. Swâmi
Râmdas lui-même, ce bhakta, cet
adorateur infatigable, lui préférait de beaucoup le japa, la répétition du nom de Dieu : Râm, jusqu'à ce que le
Seigneur seul ait envahi la conscience et l'être entiers.
L'exercice qui
précède la méditation et favorise la concentration est l'apaisement du mental
et la tranquillité du physique obtenus par la régularisation du souffle et
l'abandon de soi à l'influence de l'Esprit : « Va en paix, tes péchés te sont
pardonnés. » Non point que le disciple ait gagné le Paradis et qu'il soit
désormais sûr de son salut, dégagé de toute peine religieuse. Au contraire ! Le
pardon des péchés est la condition indispensable et première à toute ascension
spirituelle, à toute réalisation mystique.
L'importance
qu'y donnent les saints, la hantise qu'en avait un François d'Assise, une
Thérèse d'Avila, un Jean de la Croix, prouvent suffisamment qu'il est le
premier palier de la connaissance, le pas décisif sans lequel aucune ascèse
n'est possible, aucune lumière ne saurait éclore dans la pensée.
Pour l'Islam de
même, l'ascension religieuse commence par prendre conscience de ses fautes, par
les considérer avec honnêteté afin de les oublier ensuite. Car le péché est le «
faux-pas » qui fait dévier la course et manquer la victoire à l'effort. Le
pardon est l'allègement de la conscience qui peut ainsi se tourner vers
l'immatérialité de l'Esprit, le détachement intérieur qui supprime la servitude
à la loi de cause à effet (Karma).
Nul ne prie, ne
médite ou ne se concentre avec fruit s'il continue à s'agiter physiquement, à
s'emporter contre son frère, à multiplier ses activités et ses désirs, à
exacerber ses convictions dualistes. La saine respiration du repos est aussi
l'aération de l'intelligence, la sincérité du coeur et la joie de l'âme.
La tranquillité
physique est l'abandon à l'enseignement spirituel : « Marie a choisi la bonne
part qui ne lui sera point ôtée. » (Luc 10:42). L'apaisement mental c'est
l'oubli mystique si merveilleusement efficace, le détachement yogique de l'ego,
le renoncement à soi du Christ, l'effacement de l'individu devant le mystère de
sa réalité intégrale, l'ouverture de la porte par où la pensée accède à
l'Infini radieux.
Le salut n'est
pas individuel ! Il ne s'agit pas d'élever l'ego à une puissance, à une
félicité démesurées. C'est là le piège qui déroute bien des chercheurs. Car le
chemin est le dépouillement progressif de l'homme au profit de l'âme qui l'habite,
l'effort audacieux et soumis qui nous libère de l'obsession de soi et nous
consacre à la vision de l'Éternel. L'humanité est convoquée à la souveraineté
de l'Absolu au dedans d'elle-même, à la toute-lumière de l'Esprit par delà tous
les rêves qui l'enveloppent de leur nuit.
Nul n'est
coupable, car tous sont également contraints par la dualité.
Nul n'est
incapable, car la loi est inscrite du doigt de Dieu en chacun.
La Vie est la
félicité
La foi c'est de
croire en l'invisible qui est plus vrai que le visible, en l'Ame qui est Tout.
Notre victoire est la transparence parfaite de la pensée où l'homme et
l'éternité sont indissociables, confondus dans le Jour qui n'a pas de fin : «
Ses portes ne se fermeront point le jour, car il n'y aura point de nuit. »
(Apoc. 21:25) De toutes parts la création est envahie par la lumière. Elle est
Dieu.
Maya
A tous les degrés de l'Existence est Mâyâ, parce que Mâyâ
est en Brahman la totalité de l'Existence. On l'a nommée illusion, Erreur et
c'est pour cela que les litanies rituelles adressées à la Mère divine disent :
«O Toi qui demeures en tout être vivant, sous la forme d'erreur, de peur »,
etc. En réalité toute l'Existence est équilibre, cohérence, beauté,
perfection, parce que toute l'Existence est Mâyâ. Et dans les régions
inférieures où l'équilibre apparaît sous l'aspect de déséquilibre, la cohérence
sous l'aspect de désordre, la beauté sous l'aspect de laideur, la perfection
sous l'aspect d'imperfection, parce que la conscience et la vision y sont
soumises aux lois des conditions matérielles et de la nuit (selon une
transformation naturelle et progressive et non pas une déformation,
comme on le croit souvent) Mâyâ rayonne dans une égale plénitude de Sa loi
d'harmonie védique. Elle apporte à la Manifestation le conditionnement parfait
du devenir descendant et ascendant, toujours un et immuable, l'exactitude
védique constante de l'Existence.
L'état de Brahman (samâdhis)
(État d’union avec le Dieu personnel ou de fusion dans le Divin impersonnel,
auquel arrive le yogin. Cette extase comporte toute une série de degrés, qui
ont été décrits de différentes manières).
L'état de Brahman est la Vision de toutes choses libérée de la tonalité limitée que l'ego donne à la Connaissance. Par opposition à ce savoir égoïste, on le dit « impersonnel » ; mais Il est en réalité d'une nature totalement différente de ce que peut concevoir le mental humain. Il est au delà du personnel et de l'impersonnel, la Conscience stable, absolument lumineuse en laquelle s'élabore le Tout sans aucune omission dans Son Harmonie, sans erreur, sans recul dans Son Éternité qui est la commune mesure de tous les instants, de toutes les durées, un jaillissement créateur continu d'où rayonnent à l'infini sur Soi-même la Vie et l'Ananda.
L'état de Brahman est la Vision de toutes choses libérée de la tonalité limitée que l'ego donne à la Connaissance. Par opposition à ce savoir égoïste, on le dit « impersonnel » ; mais Il est en réalité d'une nature totalement différente de ce que peut concevoir le mental humain. Il est au delà du personnel et de l'impersonnel, la Conscience stable, absolument lumineuse en laquelle s'élabore le Tout sans aucune omission dans Son Harmonie, sans erreur, sans recul dans Son Éternité qui est la commune mesure de tous les instants, de toutes les durées, un jaillissement créateur continu d'où rayonnent à l'infini sur Soi-même la Vie et l'Ananda.
Le but de Shrî Aurobindo
Le but de Shrî Aurobindo n'est pas la libération de la Conscience hors de l'enveloppe corporelle qu'elle
habite et son épanouissement définitif en l'Absolu (Comme ce fût longtemps le
but essentiel du yoga) mais bien la spiritualisation et la divinisation de la
vie tout entière, de l'esprit, du psychique, du coeur, et aussi du mental, du
vital et du physique, de l'inconscient qui les supportent, les alimentent et
les complètent. Il s'agit pour lui de, bien autre chose que de conquérir la
Béatitude. C'est une vie entièrement et consciemment soumise au Divin qu'il
enseigne, une maîtrise de toutes les facultés, de toutes les forces contenues
en l'homme, une transformation aussi bien physique, vitale, mentale que
spirituelle, afin d'enfanter une génération d'hommes nouveaux capables de se
libérer de l'emprise encore si forte sur eux des instincts du physique et du
vital, de dominer les éléments inconscients et rebelles à la Voix divine, de
les réintroduire dans leur axe de Vie divine, orientée divinement, instaurée
divinement à la gloire du Divin, et non plus fourvoyés dans les labyrinthes de
l'existence égoïste obscure et sans avenir. L'origine du Cosmos est Dieu, son
devenir est Dieu, que son élaboration perpétuée, dans le temps soit divine
également jusqu'en ses moindres détails et ses plus humbles manifestations. Que
le yogin, revenu des visions puissantes où son être entier a puisé à des
sources réellement vivifiantes et pures la Certitude de la Vérité et de l'Amour
divins, se, penche, sur l'existence et, patiemment, dépose la perle de lumière
sur chaque caillou, sur chaque pétale, chaque brindille, chaque blessure et
chaque élan, même le plus infime, afin que la transfiguration commence qui doit
faire du corps plus que le temple de Dieu, Son oeuvre à chaque pas, Sa
respiration à chaque syllabe, Sa perfection à chaque mouvement, Son
épanouissement à chaque labeur. Que l'oeuvre tout entière, soit divine,
puisqu'elle l'est dès l'origine et pour l'Éternité ! Que ton corps soit repétri
par Dieu ! C'est pour l'humanité que tu peines et que tu souffres, c'est pour
l'humanité que tu te veux divin totalement, dans un acte d'humilité
incommensurable. L'ego éphémère n'aura plus d'emprise sur toi ; il n'y aura
plus sur ta route, debout devant toi comme un flambeau divin, que le Devoir de
tous, le Dharma irrésistible conduisant le Cosmos vers son accomplissement
divin. Les instincts seront surmontés, anéantis puis transformés en forces nouvelles
et pures. Les lois fondamentales de la nature physique et vitale seront
assimilées au vaste mouvement de l'Existence élevée vers Sa conscience réelle
et souveraine ; les capacités innombrables du mental seront orientées vers
l'illumination d'un Savoir sans limites, créateur, éternel. Une ère védique
sera née où même les lois de, l'enfantement des formes dans la matière ne
seront plus soumises au processus habituel. La conception spirituelle de la
matière elle-même en et par l'homme, sera possible, sera l'accomplissement d'un
nouvel âge de l'univers.
« Il doit y avoir un moyen de créer l'homme sans recourir à la voie de fécondation animale. » (Bulletin de l’Ashram de Shrî Aurobindo, Août 1949).
« Il doit y avoir un moyen de créer l'homme sans recourir à la voie de fécondation animale. » (Bulletin de l’Ashram de Shrî Aurobindo, Août 1949).