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01/09/2015

La philosophie métaphysique




La métaphysique traite de la cause dernière des choses et de tout ce qui s'étend derrière le monde des phénomènes.
 Sri Aurobindo

(p.1)

Préambule

 Dans cet article équivalant à une dizaine pages, je vais tenter une présentation de la philosophie métaphysique sous l'angle de deux penseurs. L'un philosophe italien du 18e siècle, Giambattista Vico, sage de l'occident vers lequel les circonstances m'ont amené fortuitement en vertu de la loi des coïncidences, me conduisant dans une salle d'attente où se trouvait une revue littéraire présentant ce penseur.  L'autre, Aurobindo Ghose, sage indien de la première moitié du 20e siècle auquel j'ai déjà consacré pas mal d'articles sur ce site.  La découverte de Giambattista Vico a été un étonnement et émerveillement permanent au fur et à mesure de la connaissance de son oeuvre. Entonnement sur l'aspect méconnu d'une vision métaphysique qui défend ce que le cartésianisme a estompé, étonnement sur les similarités de pensée avec l'oeuvre Sri Aurobindo Ghose concernant leur analyse de l'histoire et de l'évolution, étonnement sur leur approche métaphysique qui se rejoint sur certains aspects. Bref un étonnement permanent, probablement celui à l'origine de la philosophie telle que l'exprime Aristote : « C’est l’étonnement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques ». Je vous invite donc dans cet article à partager mon étonnement et à découvrir les joyaux de la pensée métaphysique avec deux amis de la sagesse formidablement lucide.

SOMMAIRE

Préambule
Pourquoi une philosophie métaphysique ?
L'approche métaphysique selon Sri Aurobindo et Giambattista Vico
Similarités dans l'oeuvre de Sri Aurobindo et de Giambattista Vico 
La métaphysique de Shrî Aurobindo : « Une vérité à vivre intérieurement »
La métaphysique de Giambattista Vico : « La métaphysique dépasse la physique »
La métaphysique de Sri Aurobindo et Giambattista Vico : Enjeux communs

Pourquoi une philosophie métaphysique ?


Selon l'Encyclopédie la métaphysique est une branche de la philosophie et de la théologie qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes. Elle a aussi pour objet la connaissance de l'être absolu comme cause première, des causes de l'univers et de la nature de la matière. Elle s'attache aussi à étudier les problèmes de la connaissance, la nature de la réalité, de la vérité et de la liberté.

Que ce soit dans les philosophies dites orientales, tout comme dans les philosophies dites occidentales, la métaphysique a consisté en une préoccupation majeure et fût l'objet d'une investigation permanente et importante chez nombre de penseurs, qu'ils soient théologiens, philosophes ou hommes de science. Parmi eux se détache un philosophe européen, métaphysicien en l’occurrence de par son œuvre, originale et peu connue et pourtant des plus enrichissantes concernant sa propre vision métaphysique. Il s'agit de l'italien Giambattista Vico (1668-1744) qui a formulé dans ses ouvrages l'importance et la précision d'une connaissance métaphysique. 
La métaphysique, comme nous l'avons vu avec l'article Sri Aurobindo L'ami de la sagesse, « est un aspect de la philosophie dans le sens d'une philosophie spirituelle, c'est-à-dire une approche de la philosophie qui se veut être un élément de connaissance de la Vérité ».
Cette base philosophique se déploie en une connaissance métaphysique, c'est à dire englobant intégralité de tous les mouvements apparents et occultes de l'univers, du réel manifesté et non manifesté dans se multiples aspects et intrication.

(p.2)

L'approche métaphysique selon Sri Aurobindo et Giambattista Vico 


 Sri Aurobindo expose l'intégralité de sa vision métaphysique dans La Vie divine et élargie son analyse de l'évolution de la vie humaine dans son ouvrage Le Cycle Humain, couvrant un large champ d'investigation dans tous les domaines de la vie, de la spiritualité jusqu'à l'évolution des nations et leur gouvernance politique, tout autant que le développement social, culturel de l'individu et de la collectivité dans une perspective évolutive. Pour Jean Herbert, disciple et traducteur attitré, « Shrî Aurobindo a d'ailleurs laissé une œuvre considérable et fort originale sur les problèmes sociaux, de l'éducation, de l'art, de la politique nationale et internationale, etc., que ce n'est pas la place de résumer ici, mais qui forme un tout avec son enseignement philosophique et yoguique ».
 
L'exposé métaphysique de Giambattista Vico dans la Science nouvelle, La méthode des études de notre temps ou De l'antique sagesse de l’Italie, fournit un matériau essentiel pour porter notre intellect vers les lumières de la connaissance et nous permettre d'accéder à une vision de l'univers qui ne peut que contribuer à nous élever dans notre recherche intérieure. 

Comme l'explique Maxime Rovere dans Le Magazine Littéraire (N° 497-mai 2010),  Giovan Battista de Vico expose dans De ratione, « la critique d'une rationalité trop technique qui perd nécessairement son accroche morale, en appelle donc à une science qui n’ignore pas, malgré ses réussites, qu’il n’y a de science que par l’homme, de sorte que nos savoirs en disent toujours plus long sur les hommes que sur les choses elles-mêmes ».

L'auteur de cet article sur le philosophe souligne par ailleurs que : « L’enjeu de ces méditations est d’interroger l’orientation que les études, et par là même la pensée en général, ont prise en Europe depuis Descartes, et plus encore depuis que ses successeurs ont fait du cartésianisme une sorte de règne de l’intellect. En prétendant étendre à tous les domaines du savoir la méthode de l’analyse géométrique, le cartésianisme a, selon Vico, coupé les jeunes gens de la tradition de l’humanisme rhétorique, et a cherché à étouffer en eux tout ce qui relève du domaine de la sensibilité, de la mémoire et de l’imagination, c’est-à-dire des facultés prédominantes dans la jeunesse ».
(p.3)
Bien qu'écrit au VIII siècle, ces méditations sont d'une grande modernité et apporte une acuité non négligeable à notre réflexion sur notre société contemporaine et ses valeurs, et sur le coeur fondamental de toute société, à savoir l'éducation. 
Dans la Science Nouvelle, ouvrage majeur de Giambattista Vico, le critique littéraire souligne une de ses pensées les plus pertinentes face au cartésianisme dominant et quasi exclusif de nos sociétés depuis les Lumières,  à savoir que :
« À ce monde cartésien abstrait, sec, menacé par ce qu’il appellera plus tard, dans sa Science nouvelle, la “barbarie de la réflexion”, Vico oppose le monde humain réel, dans sa richesse et sa complexité, celui qui est créé, “inventées” par les hommes eux-mêmes, création et invention qui mettent en oeuvre la totalité de leurs facultés, en particulier leur ingenium, qui n’est pas un simple instrument de déduction, mais une puissance inépuisable d’innovation ».

Cette réflexion sur la méthode d'éducation fait écho à la vision que Sri Aurobindo en a, tel que le souligne I.Sen,  dans L’éducation intégrale (Integral education1952) :
« A aucun moment, l’éducation ne devrait perdre de vue la plus noble aspiration de l’homme : l'éveil et le développement de son être spirituel, concept sous-jacent à l’éducation intégrale authentique et vivante ». 

Ernest Renan l'avait compris lorsqu'il exprima que : « L'essentiel dans l'éducation, ce n'est pas la doctrine enseignée, c'est l'éveil »

 M. K. Raina dans Profils d’Éducateurs développe cette conception de l'éducation :
« Une éducation intégrale est conçue comme un processus de croissance organique permettant de développer et d’intégrer les différentes facultés de l’enfant selon son inclination, la rapidité de sa progression, les lois du développement qui lui sont propres, ses dispositions naturelles (swabhava) et sa nature profonde (Swadharma). Sri Aurobindo ne perçoit pas l’éducation intégrale comme la juxtaposition de disciplines, ni même comme la juxtaposition de différentes facultés. Son idée est de favoriser le développement d’un certain nombre de facultés, de sujets d’étude et de combinaisons dans la quête de la connaissance, des pouvoirs, de l’harmonie et des compétences dans le travail. Ces facultés sont inculquées de manière à ce que chaque élève et chaque enseignant puissent s’en servir pour favoriser naturellement un développement harmonieux ».

(p.4)

Similarités dans l'oeuvre de Sri Aurobindo et de Giambattista Vico 

  
Il est étonnant de retrouver une similarité d'approche dans l'oeuvre de Sri Aurobindo et de Giambattista Vico à quelques siècles d'écart... Que ce soient dans l'analyse des structures de l’évolution des nations, de l'évocation des dangers de la barbarie et de ses origines, tout autant que dans cette volonté permanente d'englober une vision la plus large possible, et en remontant à des sources les plus profondes pour viser à une évolution dépassant tous les carcans anciens tout en s'appuyant sur ces sources antiques pour parvenir à nous donner l'élan de poursuive l'évolution individuelle et collective. Tous deux firent preuve d'un esprit de synthèse remarquable tout en ayant un point de vue le plus inclusif et large qui soit.

 En tant que précurseur de la philosophie de l'histoire, Giambattista Vico fait aussi écho à Sri Aurobindo qui s'est appuyé sur les travaux de l'historien Karl Lamprecht pour développer de façon plus poussée le système de développement historique par phases dont il fit la base de sa description de sa psychologie du développement social (Le Cycle Humain).

L'un et l'autre se sont penchés sur leurs pères pour mieux aiguiser l'esprit, notamment chez les sages de l'antiquité grecque. Pour Sri Aurobindo « La philosophie et la pensée des Grecs sont peut-être le plus puissant stimulant intellectuel, la clarté la plus fructueuse que le monde ait jamais connus ». Il ajoutera dans son essai Heraclitus, (et c'est ce qui le rapproche de Giambattista Vico dans cette volonté de remonter aux sources):  « La méconnaissance des mystiques, qui sont nos premiers pères, pûrve pitarah, est la grande faiblesse que présente l'exposé moderne de l'évolution de notre pensée ».

Cette volonté de remonter aux origines de l'antique sagesse se retrouve dans leur intérêt commun pour la Grèce et pour l'étude des langues antiques afin de décrypter l'antique sagesse de la mythologie gréco-romaine pour l'un, et védique pour l'autre. Sri Aurobindo décryptera le sens caché des Védas en étudiant comparativement les langues dravidiennes et le sanskrit. Giambattista Vico décryptera la signification des mythes et le fondement de la société par l'étude comparée de la langue italienne et gréco-latine. Cette approche philologique permet de nous faire saisir cette intuition qui fait dire à Jakob le personnage principal du film Heimat de Edgar Reitz que : « Toutes les langues sont surement reliés par une compréhension secrètes, sinon les gens ne se comprendraient pas ». Cette investigation de l'origine du langage apporte un éclairage étymologique indispensable,  rejoignant le grand grammairien indien Bhartrihari, du VIe siècle, pour qui la connaissance de la Réalité suprême est sous-jacente au langage, particulièrement au sanskrit en ce qui le concerne. Nous retrouvons cette approche chez le maître tantrique du Cachemire Abhinavagupta pour qui tous les mots désignent le Soi. La parole par laquelle s'exprime le langage, est l'expression verbale du corps, « lieu même de la transformation, car le corps est lieu par excellence des rapports du temps et de l'éternité » comme le souligne David Dubois dans son ouvrage "Abhinavagupta, la liberté de conscience".  Le mystique et alchimiste soufi Jâbir ibn Hayyân démontre dans le "Livre des définitions" qu'il accordait lui aussi une grande importance à la connaissance de la langue et des mots, permettant d'effectuer des mutations pour proposer une nouvelle lecture du monde.  

Tout aussi étonnant est l’importance que Shrî Aurobindo et Giambattista Vico accordent tous deux à la poésie.  Elle tient une place essentielle et considérable dans la vie, dans leur vie et leur oeuvre et lui rendront hommage en conséquence. Cette étude de la poésie est logique de part son lien avec le langage.

De plus, l'intérêt commun que tous deux portent aux sphères de l'esprit et à la métaphysique à travers une haute réflexion sur le divin et sur l'éducation s'appuyant sur la connaissance et l'élévation de l'âme n'est pas sans étonnement. Sri Aurobindo a évoqué la nécessité d'une éducation militante. Nous retrouvons cette volonté de prendre en compte l'importance de l'éducation chez Giambattista Vico qui fît la distinction du terme eduquer, de sorte que educere (conduire hors de) désigne l'éducation de l'âme; et educare (nourrir) se rapporte à l'éducation du corps.
Étonnant aussi est la volonté qu'ils ont eue de rédiger leur autobiographie dans un style employant la troisième personne afin de ne laisser aucune ambiguïté au lecteur sur les faits concernant leur vie telle qu'il l'ont vécu de leur for intérieur, ce qu'aucun biographe ne peut accomplir.

(p.5)

La métaphysique de Shrî Aurobindo :

 « Une vérité à vivre intérieurement »


 La métaphysique de Shrî Aurobindo, tel que l'explique Jean Herbert,  se propose de nous expliquer à la fois le monde tel qu'il nous apparaît et la réalité plus profonde que nous cachent les apparences. De même sa psychologie traite à la fois de l'être que nous avons conscience d'être et de « ce " beaucoup plus " que nous sommes secrètement ».

 Mais pour Shrî Aurobindo, la métaphysique, quelque importance qu'il y attache, a toutefois pour principal intérêt qu'elle fournit une base sûre à son yoga. Vue dans l'expérience vécue, elle indique à la fois les possibilités d'évolution de l'individu, de la race et de l'univers, le cheminement de cette évolution et les techniques à appliquer pour s'y associer .

  L'ensemble de cette vision métaphysique sous ses divers aspects et à ses divers degrés ne saurait être saisi par l'intellect dont dispose l'homme ; il ne peut être perçu que par l'expérience intérieure individuelle à laquelle conduisent les disciplines appropriées, par « le pouvoir de perception de la vision intérieure [qui] est plus grand et plus direct que le pouvoir de perception de la pensée », par « une logique dont les enchaînements ne sont pas les degrés de la pensée, mais les degrés de l'existence ». « Ce n'est pas une vérité à prouver, mais une vérité à vivre intérieurement, une plus grande réalité en laquelle il nous faut grandir. » Elle ne doit cependant pas être contredite par notre raison, qui doit pouvoir en fournir une explication conséquente. C'est pourquoi Shrî Aurobindo peut présenter son enseignement à ce sujet en termes de métaphysique.

Shrî Aurobindo ne laisse de côté aucun problème, car « dans la pensée métaphysique comme dans la science, la solution générale et finale qui a des chances d'être la meilleure est celle qui inclut tout et rend compte de tout ». Aussi a-t-il pu écrire : « Chaque chose prend sa place dans l'ensemble . » Même « une réelle solution du problème de l'existence ne peut se baser que sur une vérité qui rende compte de notre existence et de l'existence du monde et concilie leur vérité, leur juste rapport, avec la vérité de leur rapport avec la Réalité transcendante, quelle qu'elle soit, qui est la source de tout ».

(p.6)

 La métaphysique de Giambattista Vico :

 « La métaphysique dépasse la physique »


Pour Giambattista Vico « La métaphysique était la vraie science parce qu’elle traitait des vertus éternelles ». 

Ces vertus sont les vérités éternelles, il s'agit donc de déterminer le vrai. Pour Giambattista Vico « De même le vrai métaphysique est absolument clair, il n’a point de limite, et point de forme qui le détermine, parce qu’il est le principe infini de toutes les formes ; les choses physiques sont opaques, c’est-à-dire qu’elles ont une forme et des limites, et c’est en ces choses que nous voyons la lumière du vrai métaphysique ».

Cette détermination du vrai, de la vérité ultime des choses et de leur rapport avec l'infini qui les a créés, est le coeur des réflexions métaphysiques de Sri Aurobindo pour qui toute la recherche spirituelle de l'homme doit être de connaître tous les rapports entre l'infini et le fini, car c'est l’enjeu de toutes les philosophies spirituelles et de toutes les voies de yoga et ascèses qui s'ensuivent, et par conséquent de comment l'être humain peut parvenir à entrer en rapport avec Dieu sans exclure aucun de ses aspects ni aucune de ses possibilités. Or, bien souvent, comme l'a constaté Sri Aurobindo, chaque philosophie spirituelle élabore un système de connaissance puis de pratique de développement de soi basé sur un aperçu unique du divin , en cherchant un de ses aspects à l'exclusion de tout autre. L'objectif du yoga intégral est d'embrasser et de réaliser le divin dans tous ses aspects et par de là tout aspect. D'où l'importance d'une vision métaphysique qui servira au chercheur avant tout à concevoir le divin en tant qu'Infini et ses rapports avec le fini afin d'élargir le champ de conceptions mentales que le chercheur pourra avoir, ce qui lui permet de se défaire de tout à priori sur ce qu'est le divin, et de ne pas restreindre sa vision de l'Infini selon des conceptions issues de ses idées limitatives, et de-là, faire l'expérience en lui de la vérité divine la plus élevée et la plus intégrale. Cette prospection des rapports entre le fini est l'infini est un enjeux très important dans l'orientation de la quête spirituelle de l'Homme, car déterminant les pratiques spirituelles qui en découlent et les systèmes dans lesquelles s'inscrivent ces pratiques selon leur conception métaphysique de la Réalité. C'est une des bases du yoga intégral car pour Sri Aurobindo «Le fini est une circonstance de l'infini, non une contradiction ». Nous retrouvons cette approche intégrale chez Abhinavagupta, maître du Tantra, système dont Sri Aurobindo fera d'ailleurs l'éloge pour son intégration de la vie tout entière comme moyen d'évolution spirituelle. Pour Abhinavagupta, comme le remarque David Dubois dans l'ouvrage qu'il lui consacre "Abhinavagupta, la liberté de conscience": «Il faut connaître toutes les choses, en leur totalité et sous tous leurs aspects.  La connaissance, c'est celle qui délivre de la finitude, c'est donc l'omniscience. La vraie connaissance est la connaissance global et intégral du réel ». Nous retrouvons par ailleurs beaucoup de similitudes entre Sri Aurobindo et Abhinavagupta dans leur système métaphysique, mais concentrons-nous pour l'heure sur la métaphysique de Giambattista Vico.

De son côté, Giambattista Vico s'est donc évertué à définir dans sa métaphysique les rapports entre le fini et l'infini et de comment le fini est créé par l'infini. Il porta sa réflexion sur ce qu'est la réalité, le vrai, par la connaissance de la source divine en tout et de ce que l'homme par son esprit peut en connaître.
« La métaphysique dépasse la physique, parce qu'elle traite des vertus et de l'infini ; la physique est une partie de la métaphysique, parce qu'elle considère les formes et le limité. Mais comment cet infini peut-il descendre dans ce fini? Lors même que Dieu nous l'enseignerait, nous ne pourrions le comprendre; si c'est le vrai de l'intelligence divine, c'est qu'elle le fait et le sait en même temps. L'esprit humain a des limites et une forme ; par conséquent, il ne peut avoir l'intelligence de ce qui est sans limites et sans forme, il peut seulement le penser : c'est ce que nous dirions ainsi en italien : Pué andarle raccoglieiido ma non già raccorle tutte. Mais cette pensée même, c'est un aveu de ce que les objets de la pensée n'ont pas de forme et sont sans limites. Ainsi donc connaître distinctement, c'est un défaut plutôt qu'une qualité : car c'est connaître les limites des choses. L'esprit divin voit les choses dans le soleil de sa vérité; c'est-à-dire que tandis qu'il voit les choses, il connaît une infinité de choses avec celle qu'il voit; l'esprit humain voit l'objet qu'il connaît distinctement, comme on voit la nuit à la lueur d'une lanterne, et en le voyant, il perd de vue tout ce qui l'environne ».

(p.7)

La métaphysique de Sri Aurobindo et Giambattista Vico :

Enjeux communs


Nous voyons comment Giovan Battista de Vico accorde une importance bien supérieure à la métaphysique par rapport à la physique.  Sa critique de la méthode de René Descartes vise à nous montrer les limites que celle-ci produit dans notre capacité à connaître le vrai. Les facultés imaginatives que Giambattista Vico réhabilite en tant que facultés de connaissance tout aussi importantes que la raison (tout comme l'eut fait Paracelse au 15è siècle), doivent être développées dans l'éducation de l'homme et non pas reléguées à un rang inférieur voir annihilées. Les implications d'une telle approche sont doubles. D'une part la connaissance s'interdit-elle tout recours à l'imagination? Loin s'en faut, et les plus hautes découvertes scientifiques n'auraient pu avoir lieu sans une faculté d'imagination libre de ses mouvements. D'autre part, et c'est en cela que Giambattista Vico et Sri Aurobindo Ghose se rejoignent dans leur vision métaphysique, c'est que la science par la nature même de son approche du visible et du tangible ne peut appréhender toute la Vérité et découvrir les lois de l'Esprit. Alors que la physique étudie le fait matériel, s'intéresse à l'étude de la matière, la métaphysique s'emploie à étudier le monde des phénomènes tout autant que ce qui s'étend derrière le monde des phénomènes et le rapport qu'il existe entre l'un et l'autre. Traduire les faits de l'Esprit et de l'Infini, en des termes scientifiques, pour la plupart issues de la physique quantique, est une tentative encore maladroite et immature, car tronquant une partie du Réel par des termes limitants.  Vouloir démontrer la réalité de l'esprit en des termes scientifiques et dénommer Dieu en des termes quantiques amène à  tronquer la signification même du mot Dieu, qui étymologiquement signifie lumière. L'âme sera toujours fille de Dieu. L'aspiration de l'âme à la découverte du Divin dépassera toujours ces tentatives stériles de traduire ce qui attrait à Dieu en des termes nouveaux se voulant appréhendables par tous et issues des conceptions quantiques de ce qu'est la Réalité. Certes il y a une tentative d'élargir la conception de ce qu'est l'Esprit, l'intelligence de l'Univers, pour dépasser les carcans restrictifs et périmés de la vision judéo-chrétienne de Dieu, et de tout ce que les religions en général en ont fait, mais cela restera limité pour autant que nous voulions remplacer des termes traditionnellement significatifs par des termes et des conceptions plus scientifiques. 
(p.8)
Le danger est de réduire la spiritualité sous l'égide d'un esprit scientifique qui prendra à son tour un caractère dogmatique, tel qu'on le voit déjà à l’œuvre dans tout ce qui concerne les faits de la vie, restrictions des faits à ce qui est valable parce que démontrable scientifiquement. C'est l'horreur scientifique qui peut conduire à une barbarie d'une nouvelle forme en ce sens qu'elle réduit la vie à sa simple expression de la rationalité scientifique et fait fît de la nature innée de l'âme et de sa capacité à rejoindre le divin, de par le seul fait que ce mot évoque parce qu'il a une véritable signification intrinsèque pour le mystique, dont l'aspiration s'affranchît de toute tentative humaine de créer des néologismes basés sur des conceptions plus attrayantes, dans l'air du temps. La poésie tient une place capitale en ce sens qu'elle fait appelle à des facultés intuitives qui permettent de réenchanter le monde, d'innover par un nouveau regard, une nouvelle façon de percevoir le réel et de créer le monde d'après une vision plongeant dans la plus sublime des réalités spirituelles. Tel est le sens du mot poète, créateur de nouvelles réalités sur la base de l'intuition pénétrant dans la gnose la plus haute. La poésie gnostique fait descendre des plus hauts sommets les réalités divines, et éveille les qualités de l'Esprit en leur sens d’émerveillement, de paix, d'amour suprême pour tout ce qui est, de douceur, de joie d'être, de vision de l'énergie à l’œuvre en toute chose et de comment façonner la réalité future avec la beauté qui en émane.
 
Pour conclure ce bref essai, étant instruit de cette importance et nécessité de la métaphysique, nous aurions tout intérêt à prendre connaissance de l’œuvre de Giambattista Vico, qui selon moi, fait partie des philosophes du XVIIIe peu connu (car supplanté par Descartes), dont l'étude comblerait l’ignorance que nous avons en bien des domaines et des croyances erronées sur beaucoup d'autres...
 
Sylvère
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