Muse mélodieuse, chante l'ingénieux Vulcain. De concert avec Minerve, il
enseigna sur la terre les plus beaux ouvrages aux mortels ; auparavant ils
habitaient les antres des montagnes, comme les bêtes sauvages, mais maintenant,
instruits dans les arts par l'industrieux Vulcain, ils voient les années
s'écouler dans une vie heureuse, ils vivent tranquilles dans la maison.
Soyez-nous favorable, ô Vulcain, accordez-moi le bonheur et la vertu.
HOMÈRE, HYMNE XIX , À Vulcain
Comme dans beaucoup d'œuvres de
l'époque classique, le choix des sujets des représentations en général et de la
mythologie en particulier, permettait au peintre d'y inscrire un sens caché
décelable en plongeant à l’intérieur de l’œuvre, ce qui lui confère un sens
ésotérique. Cet aspect caché – occulte – de l’œuvre nous faisant ainsi
entrevoir certains mystères, au sens mystères de la mythologie gréco-romaine,
tels que les mystères d’Éleusis transmis par Orphée dans la Grèce antique. Ici La
Forge de Vulcain d'Alessandro Gherardini représente un épisode du Livre VIII de
l'Énéide de Virgile où les Cyclopes façonnent des armures pour Énée dans la
forge d'Héphaïstos, le Dieu du feu de l'antiquité grecque.
Ce tableau fait apparaître un travail
pictural très contrasté entre ombre et lumière, il s'inscrit typiquement dans
la période baroque: il y a une source de lumière dans la scène provenant du feu
de la forge. Héphaïstos, le dieu du feu, est surtout connu pour son rôle de
forgeron des dieux et des déesses. Son rôle est très important et sa place
au panthéon olympien est parmi les dieux principaux. Malgré tout, il est étonnant de
constater qu’il y a peu de représentation d'Héphaïstos. Son homologue romain
Vulcain, étant plus tardif, a été davantage représenté. Ce tableau d'Alessandro
Gherardini The Forge of Vulcan, fait partie des nombreuses représentations que
nous avons de Vulcain dans la peinture classique. Celui-ci rompt avec les
canons traditionnels de la peinture classique. Davantage expressionniste que
classique pour l'époque, l'expressivité de ce tableau est pleine de mouvement
et de force. Le feu est partout présent, sa lumière se reflète sur les parois
de la forge et dans la fumée enveloppant la forge, l'éclat de sa lumière
jaillit avec vivacité du métal martelé, illuminant l'espace et les corps en
mouvement des forgerons à l'œuvre. Ces forgerons, au nombre de trois, sont les
Cyclopes, qui par leur force aident Vulcain-Héphaïstos. Ils sont reconnaissables par
l'absence de finesse de leur traits et la présence de leur
unique œil frontal. Ils ont la puissance et la connaissance liées aux forces
telluriques, qui font d’eux des forgerons doués de capacités extraordinaires et
vont ainsi déployer tout leur savoir-faire au service du dieu du Feu
Vulcain-Héphaïstos.
Le tableau nous présente une
composition dynamique et expressive, dominée par les couleurs vivent et
chaudes, exprimant les tons chatoyants et lumineux de l’élément feu. Le centre
de l’œuvre où se situe le cœur du sujet de l’action est le plus lumineux. De ce
centre rayonne une lumière extrêmement vive qui s’estompe à mesure que l’on
s’en éloigne, formant un dégradé de ton vers le rouge et le brun-noir de la
suie et de la fumée. Sur les corps des trois forgerons cyclopes se reflète la
lumière émanant de la source centrale la plus lumineuse. Source lumineuse qu’ils
encadrent par leurs corps nus. Cette lumière est ainsi contenue par les corps dans
l’espace central du tableau, signifiant qu'ils en sont les gardiens et que ce
feu émane d'eux. L'éclat lumineux le plus vif et le plus intense se situe au
niveau du centre ventrale, le Hara, du Cyclope central.
A l'arrière plan l'on peu
entrapercevoir le feu jaillissant du foyer de la forge. Ce foyer est
intriguant, il n'est pas complètement apparent, seules quelques pierres brutes
et massives évoquant le minéral terrestre le contiennent. Malgré tout, sa force
tellurique est perceptible, le feu semble jaillir des entrailles de la terre,
sa force est brutale, primitive, électrisant l'atmosphère enfumée. Sa force
brute contraste avec l'éclat étincelant du feu central de la pièce métallique forgé
sur l'enclume. La lumière de celui-ci est vive, d'un blanc étincelant, c'est le
feu à l'œuvre dans sa maîtrise. L'éclat de cette lumière saute aux yeux instantanément
dès que nous posons notre regard sur la scène. C'est un feu créateur qui émane
du métal en fusion. Métal qu'il faut dompter et marteler promptement pour
accompagner le feu dans son processus créateur, accomplissant l’étape final de
la transformation d’un objet de métal conçu à partir de la fusion des minerais
natifs de la terre. C'est la force vital du feu sacré siégeant dans la Hara entre le centre ombilical et le centre racine à la base des organes génitaux. Ce centre lorsqu'il s'éveille peut avoir la puissance d'un chalumeau que l'on peut littéralement percevoir et ressentir avec la même intensité. Ici la scène
représente les Cyclopes façonnent des armures pour Énée. Énée (en grec ancien Αἰνείας / Aineías,
en latin Aeneas signifiant « de cuivre », dérivé du mot aes, aeris
désignant le cuivre). Le cœur de la forge
façonne le minerai en métal. Comme le précise Annick de Souzenelle dans
son SYMBOLISME DU CORPS HUMAIN, Job
effectue en lui même, en ses terres intérieures le changement de conscience,
symbolisé par le changement de peau, et il aborde ses terres intérieures ainsi:
« Il y a pour l'argent un lieu d'où
on l'extrait, pour l'or un lieu où on l'épure. Le fer se tire de la terre et la
pierre fondue donne le cuivre. L'homme met fin aux ténèbres, il explore jusqu’à
fond des abîmes la pierre cachées dans les ténèbre et l'ombre de la mort... »
François Jollivet-Castelot dans son ouvrage COMMENT ON DEVIENT ALCHIMISTE précise
que « (...) dans les rapports de
l'Alchimie Kabbalistique le fer est attribué à Tiphereth — le cuivre à
Netzah et Hod — le vif-argent à Yésod... Le Fer est le microprosope des métaux;
c'est le seir Ampin de la kabbale métallique. Il correspond à Tiphereth, à
cause de son éclat, de sa vigueur et de ses triomphes ; il est fort, il est
beau comme Mars. Netsah et Hod sont représentés par le laiton rouge et le
laiton blanc ; airain et cuivre, métaux androgynes qui sont deux en un, et
figurés par les colonnes Jakin et Bohas du Temple de Schloœoh. Jésod est le D : le générateur et comme le sperme des métaux.
Hod correspond à l'airain, au cuivre, au laiton, dans la Kabbale
naturelle. Le nom de l'airain possède un nombre identique à celui du serpent.
C'est pour cette raison dit l'Asch Mézareph que le serpent d'airain de Moïse
est l'emblème du règne androgyne de Hod.
D'après le Cycle des Métaux d'après la Tradition. leur transformation
s'effectue ainsi:
Fer >Cuivre > Plomb >
Etain > Mercure > Argent > Or >Argent > Mercure > Étain > Plomb > Cuivre >
Fer < Cuivre, etc.
Le plomb, l'étain, le cuivre, le fer et le mercure correspondent à
Saturne, Jupiter, Vénus, Mars, et Mercure.
En alchimie les métaux correspondent autant aux planètes, qu’aux
températures et aux couleurs.
Les origines de la Science Hermétique remontent aux temps antiques de la
Khaldèe et de l'Égypte ; puis fut transmise aux Hébreux, et de là se répandit
par le monde afin d'illuminer plus tard, quelque peu, la Grèce. Les mythes de la
sagesse Grecque furent ensuite transférés dans la Rome antique.
Léon Gineste, dans son ouvrage ALCHIMIE EXPLIQUE DANS SON LANGAGE précise
que « Vénus est la Déesse mythologique
dont le métal correspondant est le cuivre, sa couleur le jaune. C'est la couleur
qui apparaît entre le blanc et l'oranger.
Vénus sortant de l'onde sur une coquille dit à l'opérateur que la
déesse doit apparaître sur la coquille. En
d'autres termes, il doit teindre la coque de l’œuf philosophal. Vénus était
mariée à Vulcain. Elle le trompa avec
Mars. Vulcain fabriqua alors une chaîne
enchantée. Ainsi Vénus et Mars furent
capturés ensemble. Cette fable
reproduit, comme tant d'autres, le couple minéral uni par le sel magique. »
Don Pernety, quant à lui précise que :
« Michel Maïer dit que les Anciens
entendaient par Vénus une matière sans laquelle on ne peut faire le grand
œuvre, & la plupart des Philosophes paraissent aussi l’avoir prise
quelquefois dans ce sens là. Flamel cite ces paroles de Démocrite: "Ornez
les épaules & la poitrine de la Déesse de Paphos, elle en deviendra très
belle, & quittera sa couleur verte pour en prendre une dorée. Lorsque Paris
eut vu cette Déesse dans cet état, il la préféra à Junon & à Pallas.
Qu’est-ce que Vénus, dit le même Auteur? Vénus comme un homme a un corps &
une âme ; il faut la dépouiller de son corps matériel & grossier, pour en
avoir l’esprit tingent, & la rendre propre à ce qu’on veut en faire. "
Philalèthe regardait Vénus comme un des principaux ingrédients qui
entrent dans la composition du Magistère (Vade mecum.). D’Espagnet cite à cette
occasion ces vers du sixième livre de l’Énéide :
…. Latet arbore opaca
Aureus & soliis, & lento vinmine ramus
Junoni infernae dictus facer ; hunc tegit omnis
Lucus, & obsruris claudunt convallibus umbra,
Vix ea fatus erat geminae, cum forte columbae
Ipsa fsub cri viri coelo venere volantes
Et viridi sedere solo: tum maximus Heros
Maternas agnoscit aves.
C’est à cela qu’il faut aussi rapporter ces paroles d’Isimindrius (Code
Vérité.) :
" Notre soufre rouge se manifeste, quand la chaleur du feu
passe les nues, & se joint avec les rayons du Soleil & de la Lune. Vénus
alors a déjà vaincu Saturne & Jupiter. " Brimellus (Loc. cit.) dit
aussi : " Il viendra diverses couleurs (à notre Vénus) ; le premier jour
safran ; le second, comme rouille ; le troisième, comme pavot du désert ; le
quatrième, comme sang fortement brûlé. "
Le terme d’airain que les Adeptes ont souvent employé pour désigner leur
matière avant la blancheur, n’a pas peu contribué à faire prendre le change aux
Souffleurs & même aux Chimistes vulgaires, qui ont regardé en conséquence
le cuivre comme la Vénus des Philosophes. Mais ce qui nous manifeste bien
clairement l’idée que les Anciens attachaient à leur Vénus, est non seulement
ses adultères avec Mercure & Mars, mais son mariage avec Vulcain.
Ce dernier étant le feu philosophique, comme nous l’avons prouvé, &
le prouverons encore, est-il surprenant qu’il ait été marié avec la matière des
Philosophes ? »
Au regard de ces précisons alchimiques trouvées dans divers ouvrages, en osant un jeu de mot, dans la langage des oiseaux on pourrait donc oser avancer l'étymologie ésotérique suivante: Le Cyclope participe donc du cycle opératoire (Cycle-op.) de la transformation des métaux .
Comme l'explique René Alleau dans ASPECT DE L’ALCHIMIE TRADITIONNELLE :
« L'historien Éphore affirme que les Dactyles Idéens étaient ainsi appelés de l'Ida, mont de
Phrygie, où ils avaient établi leur séjour et Clément d'Alexandrie ajoute que
ce fut par l'effet d'un incendie de forêts qu'ils découvrirent les mines de
cuivre et de fer cachées dans les flancs de cette montagne. Selon la chronique
de Paros, cet événement se serait produit sous le règne de Pandion, roi
d'Athènes, vers 1432 avant J.-C., ce qui correspondrait à la fin des temps
mycéniens et à la date approximative de la tombe rupestre de Spata.
Dans ce caveau, situé à une quinzaine de kilomètres à l'est d'Athènes,
ont été découverts des objets en pâte de verre blanchâtre et bleue, parfois
décorés de dauphins et de sphinx, des pièces d'ivoire et d'or, en feuilles
minces, plutôt jaune que rouge, et des pointes de flèches en bronze. Ainsi, dès
cette époque, le travail des métaux et du verre semble avoir atteint une
relative perfection, ce qui laisse supposer que le corps sacerdotal des
théurges du feu, en Attique et dans, l'Égéide, devait exercer une importante
influence. »
Dans le processus d’observation de
l’œuvre, le regard est toujours ramené au centre de l’œuvre par l’éclat de la
lumière créée par la percussion des outils métalliques sur le métal en fusion. Ce rayonnement conditionne un processus
d’aller et retour entre le centre de l’œuvre et sa périphérie, forçant le
regard à se recentrer, tout en l’incitant à se poser sur les objets alentours
dont les surfaces sont illuminées par l’éclatante lumière ignée. Ce processus
de composition par la lumière impulse une dynamique dans l’action même de
regarder l’œuvre, effectuant un va et vient du centre vers la périphérie, et de
la sphère périphérique vers le point central, et ainsi de suite. Ce processus
accentue la dynamique d’action effectuée par les Trois Cyclopes martelant
l’œuvre d’Héphaïstos sur l’enclume d’où le rayonnement émane du centre de l'œuvre
et irradie vivement, mettant en exergue les corps puissants et vigoureux des trois
forgerons martelant le métal.
Ces trois Cyclopes sont les
assistants d’Héphaïstos - Vulcain que l'on voit ici au premier plan, exécutant
un mouvement de recul devant l'extraordinaire puissance des Cyclopes qui l'aident
à confectionner l'outil sur l'enclume. Le visage de Vulcain est bien visible,
il porte un regard attentif sur les forgerons cyclopes à l'œuvre. Ce mouvement
de recul de Vulcain accentue la puissance des trois forgerons à l'œuvre, car
étant le maître de la forge, le dieu des forgerons et du feu est le détenteur
de la pleine puissance et de la maitrise de son savoir-faire. Là, il reste à sa
place mais tout de même manifeste un léger mouvement de recul face à tant de
force, de puissance, de rapidité, de vivacité, de vigueur que le peintre à
excellemment rendu dans ce tableau, de tel sorte que nous les ressentons, les voyons
se mouvoir, percevons ce dynamisme du mouvement comme s'il était réel. Les
mouvements de jambes participent de ce dynamisme, que ce soit celui des Cyclopes
en action, de Vulcain assis mais reculant, et des Chérubins,
identifiables avec leurs ailes d'ange. La présence des quatre Chérubins nous permet
de savoir que nous sommes en présence d'un Dieu.
Le symbolisme des chiffres
n'est pas non plus un hasard dans cette œuvre, quatre Chérubins et trois
Cyclopes donnent le chiffre sept, chiffre particulièrement sacré, chiffre de la
création. Nous sommes en plein processus de création, supervisé par le Dieu
Héphaïstos.
Les Chérubins sont eux même tellement surpris par la puissance de
la scène qu'ils sont apeurés. Deux d'entre eux sont à terre, reculant, deux
autres se protègent en se tenant mutuellement dans les bras. Se situant de part
et d'autre du tableau par paires, ces anges dévoilent différents angles de l'oeuvre. Cette invitation à observer tous les angles, qu’ils soient objectifs
(composition de l’œuvre) ou subjectif (significations de l’œuvre), est
renforcée par l'ange Chérubin qui gît à terre aux pieds d'Héphaïstos. Dans son
mouvement de chute, ce Chérubin tourne son regard vers nous et pointe du doigt
en direction d'un élément du tableau, nous invitant à en considérer
l'importance.
Notre attention est ainsi portée au niveau de la jambe
d'Héphaïstos, révélant en effet une anatomie particulière. Notre regard continue
naturellement de scruter cette jambe cherchant à déceler ce que nous montre le Chérubin
messager. En descendant nous apercevons
la difformité manifeste du pied de Vulcain. Cette difformité est pointée du
doigt par le Chérubin qui gît à terre et par l’outil qui gît au sol au premier
plan de l'œuvre. La pointe acérée de ce long outil métallique brillant, pointe
directement explicitement vers le pied gauche de Vulcain et encore plus
précisément vers le gros orteil du pied. Ce sont les propres outils de Vulcain,
le marteau et une pince de forge métallique, symboles de puissance divine, qui
gisent au sol, rappelant que Vulcain s'est blessé avec ses propres outils, ou
en tout cas dans l'exercice de ses fonctions de forgeron divin, sollicité par les Dieux de
l’Olympe et les Héros pour confectionner leurs attributs de puissances, parfois
leur armes, ce qui n'est pas sans risque ! La puissance du divin forgeron va jusqu'à lier les destins ! Lorsque
le forgeron Héphaïstos a appris la longue histoire d'amour de sa femme Vénus (Aphrodite) avec Mars
(Ares), il a riposté en façonnant un filet de fer si fin qu'il
ne pouvait pas être vu et en le posant sur un lit pour piéger les amants
dans une étreinte. La boite de Pandore (celle qui à tous
les dons: pan-dore), a été façonné par Vulcain-Héphaïstos. Dans La symbolique du corps humain Annick de Souzenelle un fois encore nous éclaire à la lumière des mythes grecs: « En effet, née des mains d'Héphaïstos par ordre de Zeus, Pandore porte le feu divin en puissance dans la fameuse boite qui lui est remise et qu'elle n'a pas le droit d'ouvrir. Don divin, ces énergies-feu seront éléments de vie si l'Homme sait s'en servir, de mort s'il n'en connait pas les pouvoir et n'en a pas conquis, en même temps que la Connaissance et la maîtrise. »
Pandore, créé par Héphaïstos, détenant le feu sacré, telle la Shakti de l'Inde védique, le donne aux hommes, mais ce feu doit être maitriser, les humains ne doivent pas l'utiliser sans Connaissance, sans conscience, sous peine de voir ces énergies libérées avec excès. Et par ignorance affliger l'humanité de maux et de calamités infinies. Désir, désir de puissance, volonté de dominer la vie, volonté de puissance pour fuir la réalité insoutenable de la mort, en s'emparant de la puissance divine libérée par Pandore, les humains non éclairés ne feront qu'aggraver leurs tourments... Vulcain l' a payé lui même par sa toute puissance, la blessure à la jambe en est la marque, le retour de flamme en quelque sorte. Et l'analogie entre Héphaïstos blessé et la symbolique de la boite de Pandore qui selon l'analyse de La Symbolique du Corps Humain, « par la réceptivité de "tous les dons" qu'elle contient , nous fait penser au pieds (évoqués plus haut). L'ouverture de la boîte de Pandore n'est elle pas la réplique de la blessure faite au pied, ouverture, blessure par laquelle s'écule en vain les énergies humaines ? »
Remarquons que les Chérubins se situent
dans la moitié inférieure du tableau. Dans la Tradition, telle que la transmet
Annick de Souzenelle, le mouvements ascendant et descendant des anges
symbolise au niveau du corps les énergies mobilisées le long de la colonne
vertébrale. « Ces énergies qui montent et descendent participent de la force dynamique de la rencontre
de l'homme avec le monde extérieur dans la première partie de sa vie, rencontre de l'Homme avec lui-même lorsqu'il passe la "porte des Hommes", puis
rencontre de l'Homme avec son noyau, son NOM, épousailles divines! »
Notons que Pythagore selon cette même
Tradition, est celui qui donne naissance, qui engendre à la connaissance,et il était
appelé "le maître au genou d'or".
Si nous permutons les lettres hébraïques du mont béni , nous formons le mot... racine du "Chérubin".
Nous voyons très précisément que le
Chérubin à terre pointe de son doigt exactement en direction du genou
d'Héphaistos-Vulcain.
A. De Souzenelle dans La Symbolique
du Corps humain continue de nous éclairer :
« Dans sa valeur arithmologique, le genou contient déjà les énergies du
Fils, dont nous savons que, s'il les accomplit, l'Homme entre alors dans la
dimension d' « épouse » couronnée. Pour cela, des sa naissance, l'Homme reçoit
la bénédiction.
Prononcé Baroukh, le mot Jiz est le « béni ». La « barco chez les Arabes
n'a pas d'autre sens. Genou et bénédiction sont le même mot ! »
Les chérubins symbolisent aussi la
volatilité du mercure alchimique. Et Don Pernety dans son ouvrage FABLES ÉGYPTIENNES & GRECQUES apporte les précisions suivantes: « Mercure, dit-on, fut
élevé par Vulcain ; mais il n’eut guère de reconnaissance des soins que ce
Mentor prit de son éducation : il vola les outils que Vulcain employait dans
ses ouvrages. Il vola les instruments de Vulcain à peu près comme un Élève vole
son Maître, lorsque sous sa discipline il devient aussi savant que lui, &
exerce ensuite seul l’art qu’il a appris. Il puisa dans l’école de Vulcain,
& se rendit propre son activité & ses propriétés. S’il prit la ceinture
chamarrée de Vénus, & le sceptre de Jupiter, c’est qu’il devient l’un &
l’autre dans le cours des opérations du grand œuvre. En travaillant sans cesse
dans le vase à purifier la matière de cet art, il balaye la salle d’assemblée,
& la dispose à recevoir les Dieux ; c’est-à-dire, les différentes couleurs
appelées : la noire, Saturne ; la grise, Jupiter ; la citrine, Vénus ; la
blanche, la Lune ou Diane ; la Safranée ou couleur de rouille, Mars, la
pourprée, le Soleil ou Apollon, & ainsi des autres, qu’on trouve à chaque
page dans les écrits des Adeptes. »
Basil Valentin, dans son TRAITÉ CHYMICO-PHILOSOPHIQUE, établit tout un chapitre sur l'Esprit
du Cuivre et la symbolique alchimique de Vénus, et conclu une prière alchimique
en ces termes:
« Ô Séraphin! Ô Chérubin ! que tes merveilles sont grandes, tourne les
yeux de ta grâce sur ton serviteur, et montre toi sensible aux prières, réprime
ta colère, parce que j'ai divulgué cette révélation. »
René Alleau nous renvoie quant à
lui dans son ouvrage sur l'alchimie à un
descriptif en résonance avec le thème du tableau:
« Sans l'outil, la main humaine est plus dépourvue de puissance et
d'efficacité que la patte de n'importe quel animal. Sans un instrument adapté à
une tâche précise, l'intelligence est hors d'état d'exprimer ce qu'elle
conçoit, de traduire et de manifester ses pensées. A cet égard, ceux qui
disposent de l'outil et du langage commandent, en fait, à tout le développement
des techniques d'une civilisation donnée. Aussi peuvent-ils être considérés à
juste titre comme les guides, souvent cachés, les têtes et les chefs réels du
corps social. Tels furent sans doute les "thé-urges du Feu", les "Dieux
Forts", les "Puissants", les robustes Cabires de Samothrace dont
les pieds touchaient les abîmes d'Hephaistos-Vulcain et le bonnet conique ou
étoile, les gouffres incandescents d'Hélios-Apollon, tandis que de haut en bas
et de bas en haut, en un mouvement incessant, circulait le verbe d'Hermès.
Hermès, Hélios, Héphaïstos, telle dut être en effet la triade cabirique
voilée sous les noms d'Axieros, Axiokersos et Axiokersa, que nous a transmis
l'historien Mnaseas, selon le scholiaste d'Apollonius de Rhodes, fragment
précieux des dogmes originaux sur lesquels reposaient les mystères de Samothrace.
Ces noms étranges semblent n'avoir reçu jusqu'à présent aucune étymologie
vraisemblable bien qu'on les eût rapportés tantôt au copte, tantôt à l'hébreu,
tantôt au grec. Sans prétendre résoudre définitivement ce problème, nous
proposerons d'y voir, d'une part, un radical indo-européen commun "Aks",
attesté par le sanskrit "aksah" par le grec "axôn", par le
latin "axis", terme qui a le sens primitif d' "essieu" et,
dérivé, d' "axe", d'autre part, deux autres racines indo-européennes,
la première "Er", attestée par le grec "eros". et "oros",
par le védique "arta", par le sanskrit "rnot", par le latin
"ortus", "orien", terme dont le sens implique la notion d'«
une lumière qui commence, d'un lever lumineux, d'une origine », la seconde, "kerd"
qui signifie "le cœur", grec, "ker, kardia", hittite, "kardi",
vieux slavon, "kerda".
"Axieros" nous paraît donc une déformation d'« Aks-Eros »
dérivé de deux racines, "Aks" et "Er" tandis qu'
"Axiokersos" et "Axiokersa" représenteraient des
dérivations de deux racines "Aks" et "Kerd". Selon cette
étymologie possible, "Axieros" signifierait " l'essieu de la
lumière originelle " et "Axiokersos, Axiokersa", l' "essieu
du cœur", selon deux pôles, positif et négatif.
Cette notion d' "essieu" nous semble d'autant plus probable
qu'elle se relie directement au mythe du "char" dont on connaît
l'importance fondamentale dans tout le domaine indo-européen. De plus, ne semble-t-il
pas évident que des métallurges eussent choisi pour symboliser des principes;,
une notion "centrale" familière aux guerriers et aux forgerons ?
L'essieu nous renvoie directement à la roue, à l'axe central qui met la
roue en mouvement et la structure. »
La symbolique de
la roue nous renvoie directement à celle des chérubins comme le précise Annick
de Souzenelle :
« Les
Chérubins, huitième hiérarchie angélique, sont ceux don le prophète Ézéchiel a la
vision : " A côté de chacun des quatre visages, je vis à terre une roue.
L'aspect et la structure de ces roues était ceux de la gemme de Tarsis... Leurs
jantes étaient d'une hauteur effrayante, garnies d'yeux tout autour " (Ézéchiel,
I, 15-18). »
En échos à la roue , nous trouvons la Couronne, l'anneau de saturne, avec Gabriel Monod-Herzen dans : L'ALCHIMIE ET SON CODE SYMBOLIQUE (Éditions Adyar). « La roue-couronne des genoux se trouve encore confirmée par la planète
Saturne, maître du signe du Capricorne dans le Zodiaque, nul ne méconnaît
l'anneau qui entoure la planète Saturne.
Saturne — comme le signe du Capricorne — nous amène à considérer l'autre
aspect de la posture de l'orant : celui qui concerne le contact des genoux (et de
la tête) avec la terre. Celui qui est adoubé chevalier met, lui aussi, un genou
en terre. Tout postulant d'une force du ciel s'ancre en terre par les genoux.
Quel est le rapport exact genou-Saturne-terre ?
Saturne est lié au plomb.
L'enfant qui naît aux cycles des te-n'est que «
scories de plomb » (Isaïe, I, 25). L'Homme qui Le transmuté le plomb en or
naîtra à la couronne de l'Éternité.
Transformer le plomb en or est l'exact travail de croissance.
L'alchimiste Isaac le Hollandais décrit en termes alchimiques le
processus de transformation de nos énergies qui, libérées de leur gangue,
s'élèvent en un temps au niveau de Yesod (la Lune), en un deuxième temps, de Tiphereth
(le soleil), promettant le troisième niveau : la Couronne. »
Et pour correspondre avec la symbolique du corps humain d'Annick de Souzenelle, « La couronne en Kether réunit les deux petites couronnes saturniennes des genoux. le plomb est devenu or. » Vulcain Le forgeron divin a parachevé son œuvre, le plomb ou le minerai brut est devenu or, les Chérubins nous indiquent la voie en pointant le genoux du Dieu estropié. Rappelons ici ce que nous dit l'auteure de La Symbolique du Corps humain, à savoir que:
« Dans la tradition hébraïque, l'Homme qui franchit la "porte des Dieux". Et « Celui qui "voit avant " doit aussi savoir que le feu divin ne peut descendre dans ce lieu d'exil que l'humanité fait l'effort d'en sortir et d'aller à la conquête du feu dans la forge d' Héphaïstos (Tiphereth) selon la voie juste. »
Le tableau fait appel à nos quatre
sens de façon puissante, chacun des sens étant éveillé tour à tour par les
éléments composant l'œuvre, chacun d'eux renvoyant à une faculté sensorielle.
Tout d'abord la vue est extrêmement sollicitée par cette lumière et ce
mouvement qui émanent des personnages
presque nus, que ce soient les Chérubins, les Cyclopes et Vulcain, suggérant
la sensation de chaleur qui règne dans la forge. Cette suggestion du mouvement
par les corps bruts et vigoureux accentués par la lueur du feu se reflétant sur
leurs membres musclés, et nus, nudité innocente des anges, et primitive des
cyclopes. Cette mise en exergue des corps et de la peau nus illuminés par la
chaleur du feu renvoie au toucher, et à la sensation que nous pouvons ressentir
de force et de puissance émanant de ces
corps. Puissance qui par effet de résonance
suggestive se transmet à notre propre corps. La contemplation de cette œuvre nous fait ressentit la chaleur au sein de notre corps, et active le feu intérieur.
Ce mouvement des corps est
à l'œuvre dans le martèlement du métal sur l'enclume à l'aide des trois
marteaux que nous pouvons apercevoir chacun sous un angle différents. Ces
différentes angles de vue (de biais, de dessous, de face) viennent accentuer
encore le mouvement et le dynamisme expressif de la scène. La percussion de ces
marteaux fait jaillir la lumière étincelante du métal frappé sur l'enclume,
évoquant pleinement le bruit et les sons qu'ils font en résonant dans cet
espace réduit. Notre sens de l'ouïe est
ainsi éveillé à son tour. Le feu de la pièce et la fumée sont deux éléments qui
viennent directement solliciter notre odorat, éveillant ce sens de façon
subjective par l'intermédiaire de la fumée imprégnant la partie supérieure de
la scène, confinant l'espace sous une voute de fumée dense et sombre avec la
présence ressentie de toutes les odeurs quelle contient.
Dans cet espace
caverneux modelé par cette dense fumée,
les forgerons dansent dans la lumière ! Nous ressentons le mouvement qu’ils
sont entrain de faire, notamment le forgeron à droite en plein élan, élan
marqué par le mouvement de sa jambe droite, à peine visible mais suffisamment
évocatrice, et par les bras tenant le marteau au dessus de lui et en arrière,
en fin de course, près à repartir dans l'autre sens, vers l'avant et le bas
pour frapper sur l'enclume. Le
Cyclope de droite prend son élan tenant son marteau à deux mains, la
ligne de fuite des bras aux muscles tendus se prolonge dans les fissures
du relief de la roche, accentuant les mouvement de frappe de ce Cyclope par ces lignes de fuites marquées et
qui se correspondent. Cette
composition opère une force subjective du mouvement et participe de la
dynamique d'action de la scène véhiculée principalement par les Cyclopes
Forgerons.
Le peintre n'a pas oublié le sens du détail, il
fait apparaitre les étincelles rougeoyantes, telles des braises de métal en
fusion, qui sont propulsées de part et d'autre de l'enclume. Comme le précise Charles-Guillaume Scheele dans
son TRAITÉ CHIMIQUE DE L'AIR ET DU FEU, « La dissolution de
cuivre dans l’esprit de sel ainsi renfermé, diminue aussi l'Air. La lumière ne
saurait brûler dans aucune de ces espèces d'air donc le volume a été diminué, et
l'on ne saurait y rendre visible la plus légère étincelle.»
Étincelles incandescentes dont se protègent
les Chérubins et Vulcain, restant prudent face aux brûlures malgré qu'ils
soient anges et Dieu du feu, conscient de la dangerosité, peut être du fait du
handicap, de Dieu. Mutilation surement dû à l'exercice de sa fonction de forgeron. Certainement le
message est de ce fait une mise en garde contre les dangers de la puissance du
travail du métal, servant à confectionner outils et armes, à la fois pour les
être divins et les êtres humains qui en feront une industrie effrénée dès lors
qu’ils en auront trouvé la pleine capacité de puissance par le cercle permanent
du domptage du feu et de la force mécanique produite par les machines forgées
dans les métaux. C'est le début de l’exploitation de la Nature au service de l'industrie, de la déforestation dès l'Antiquité symbolisée par le Lion de Némée brulant les étendues boisées pour en extraire dans le sol les minerais cachés et bruler le bois pour produire le feu de la forge.
Les Dieux sont le reflet des forces psychiques à l'œuvre
dans la conscience humaine, forces qui sans conscience amènent destructions par
une utilisation abusives de volonté de puissance sur la nature et de domination
sur les autres peuples. Vulcain nous met en garde contre cette puissance de la
forge qui donnera naissance à l'industrie, et ce confirmera à la révolution que celle-ci
engendrera dans l'histoire humaine avec la fusion des minerais et la production
massive d'énergie polluante et de production exponentielle et massive d'objets
mécaniques issues de l'industrie métallurgique.
Dans son mouvement de recul
pour se protéger des brulures éventuelles des braises étincelantes projetées
par le métal frappé sur l'enclume, Vulcain ne laisse transparaître aucune peur
sur son visage. Son regard est très attentif au travail effectué par les
Cyclopes, restant conscient et présent pour les accompagner de sa présence et
de ses conseils dans leur travail. Dans la Mythologie grecque, il existe deux types de Cyclope
décrit par Hésiode Les trois cyclope Bronte (Tonnerre, en grec βροντή), Stéropé (Éclair, en grec ancien : Στερόπη, de στεροπή) et Arge (Foudre, en grec ancien κεραυνός / keraunós) sont, comme les
Titans, enfants d'Ouranos et de Gea, ce qui en fait un mélange des puissances cosmique primordiale (Uranus) et terrestres primitives (Gaïa), ce qui les associent aux forces chtoniennes des profondeurs terrestres. Originellement, ces trois Cyclopes sont des êtres civilisés et alliés
des Dieu de l'Olympe. Ils sont décrits comme des artisans qualifiés, hautement
connaisseurs de l'art de la fabrication du fer, et leur activité spécifique
était la fabrication foudre de Zeus., ils sont donc les aides Héphaïstos. Leur puissance associé à l'éclaire, au Tonnerre et à la fou dre demande une extrême vigilance, ce que nous montre Vulcain par son attitude.