
1
Tu n'auras plus longtemps soif,
Coeur brûlé !
Une promesse rôde dans l'air,
Souffle de bouches inconnues,
La Grande Fraîcheur arrive...
Mon soleil brûle au-dessus dans le midi,
Vous qui venez je vous salue,
Vents soudains,
Esprits frais des après-midis !
L'air passe, étranger et pur.
La nuit vers moi
Cligne de l'œil,
Gestes séducteurs et obliques...
Reste fort, mon brave cœur
Et ne demande pas : pourquoi ?
2
Jour de ma vie !
Ton soleil déjà décline,
Déjà le flot lisse
Est doré.
La roche chaude respire :
Le bonheur a dormi sur elle
Son bon sommeil de midi !
Dans des lumières vertes
Le bonheur maintenant remonte la rouille des abîmes.
Jour de ma vie!
Tu t'inclines vers le soir !
Ton œil brûle
A demi calciné,
Des larmes coulent déjà
En distillations de rosée,
Et sur de blanches mers calmement court
Le pourpre de ton amour,
Ta dernière, ton hésitante félicité...
3
Gaieté, ô Dorée, viens
Toi, l'avant-goût
Le plus secret et le plus doux de la mort !
Ai-je parcouru trop vite mon chemin ?
Seulement maintenant où mon pied se fatigue,
Ton regard me cherche encore,
Ton bonheur me cherche encore.
Et tout autour seulement vague et jeu.
Ce qui était jadis lourd
Est tombé dans l'oubli bleu.
Inutile maintenant ma barque !
Tempêtes et voyages, comme elle les désapprit !
Les désirs, les espoirs s'en allèrent engloutis,
L'âme et la mer sans rides s'unirent.
Septième Solitude !
Jamais je n'éprouvai
Plus proche en moi la douce sûreté,
Plus chaud le regard du soleil.
Ne brûle-t-elle pas la glace de mes sommets ?
Argentée, légère, un poisson,
Ma barque s'en va maintenant...
Friederich Nietzsche ,
Poèmes, 1858-1888 , Les Dithyrambes de Dionysos.