La Réalité absolue ne nie en aucune façon la réalité relative. La non-dualité n'annule pas la dualité.
Mariana Caplan
Selon l'acception courante, émise par Eliot Deutsch dans A Philosophical Reconstruction et reprise par Dennis Waite dans L'Advaïta Vedânta : Théorie et pratique, l'Advaita Vedanta est généralement admis en ces termes : L'Advaita Vedanta, alors, doit s'efforcer de tenir compte du fait qu'il reconnaît explicitement que tout ce qui est exprimé est ultimement non-Brahman et ultimement faux.
(Advaïta Vedanta, then, must labor under this fact, which it explicitely aknowledges, that whatever is expressed is ultimetely non-Brahman, is ultimetely untrue).
Cependant considérons son sens originel tel que Sri Aurobindo le défini dans La vie divine : Le vrai monisme, le vrai advaïta, c'est
ce qui accepte toutes choses comme le Brahman et ne cherche pas à
découper Son existence en deux entités incompatibles, une éternelle
Vérité et un Mensonge éternel, Brahman et non-Brahman.
(The
real Monism, the true Adwaita, is that which admits all things as the
one Brahman and does not seek to bisect Its existence into two
incompatible entities, an eternal Truth and an eternal Falsehood,
Brahman and not-Brahman, Self and not-Self, a real Self and an unreal,
yet perpetual Maya).
yet perpetual Maya).
Dans
son yoga de transformation intégrale, Sri Aurobindo apporte un
éclairage conséquents sur ses notions d'impersonnel et de personnel,
comme cet extrait de La Vie Divine au Chp XXVI sur l'être gnostique:
"Dans la conscience supramentale, la personnalité et
l'impersonnalité ne sont pas des principes opposés. Ce sont les aspects
inséparables d'une seule et même réalité. Cette réalité n'est pas l'ego
mais l'être, qui est impersonnel et universel dans la substance de sa nature, mais qui en forme une personnalité expressive, celle-ci étant la forme de son Moi dans les changements de la Nature."
Et par ailleurs de préciser que:
"Ceux qui négligent le Divin personnel négligent quelque chose qui est profond et essentiel."
"Le sadhak du yoga intégral qui s’attarde dans l’impersonnel cesses d’être un sadhak du yoga intégral."
"Nous n'avons pas à suivre une réalisation à l'exclusion des autres,
mais à embrasser Dieu sous tous ses aspects et par-delà tout aspect."
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A bon entendeur...salut!
A la conception d'un "advaïta réaliste" de Sri Aurobindo, s'oppose celle de certains enseignants d'un "advaïta radical" tel que le concevait Jeff Foster.
A la conception d'un "advaïta réaliste" de Sri Aurobindo, s'oppose celle de certains enseignants d'un "advaïta radical" tel que le concevait Jeff Foster.
Voici quelques extraits du témoignage de cet enseignant spirituel:
Jeff Foster : Pourquoi
l'impersonnel « n'existe » pas
Le message de l'Advaïta Radical
par Jeff Foster
"Si vous écoutez certains enseignants de la non-dualité/Advaita qui occupent la scène actuellement, vous pouvez avoir l’impression qu’il existe quelque chose de terriblement nocif dans le fait d’avoir une « histoire » personnelle. Avoir une histoire créée par la pensée sur vous-même, vos expériences passées, vos relations, vos sentiments, vos désirs et vos peurs, etc. – en d’autres termes être un être vivant, un être humain qui respire – est un signe évident d’illusion et de dualité. Et vous devez vous réveiller de cette pagaille !"
par Jeff Foster
"Si vous écoutez certains enseignants de la non-dualité/Advaita qui occupent la scène actuellement, vous pouvez avoir l’impression qu’il existe quelque chose de terriblement nocif dans le fait d’avoir une « histoire » personnelle. Avoir une histoire créée par la pensée sur vous-même, vos expériences passées, vos relations, vos sentiments, vos désirs et vos peurs, etc. – en d’autres termes être un être vivant, un être humain qui respire – est un signe évident d’illusion et de dualité. Et vous devez vous réveiller de cette pagaille !"
"Si
vous vous rendez à une rencontre publique d'un enseignant de "l'advaita
radical" et si, au moment des questions, vous commencez à parler de
quelque chose de personnel - par exemple la mort d'un être cher, une de
vos addictions, un événement douloureux qui s'est produit dans votre
passé- ils vous diront que vous êtes "coincé dans cotre histoire",
"perdu dans le rêve du temps et de l'espace" ou ils vous diront
simplement que vous êtes "encore une personne" et "pas encore éveillée".
Le fait que vous racontiez une histoire montre que vous venez encore de
la dualité - vous êtes encore identifié en tant que chercheur, englué
dans le personnel". "continuez de chercher car un jour le personnel
s'effondrera."
"J'ai
passé des années à repousser le personnel, essayant de
me débarrasser de mon histoire personnelle, de m'installer dans
l'Absolu, de rejeter le "quelqu'un" et de devenir "personne". Jeff était
l'ennemi , je devais m'en débarrasser." "L'expérience personnelle est pour les rêveurs ignorants, L'impersonnel est bien plus réel."
(...)
"Toute façade, toute défense, toute forteresse doit cependant s’écrouler au final. Aucune philosophie ou système de croyances aussi raffiné, aussi radical et sans compromis soit-il, ne peut vous protéger de la vie elle-même. La vie est l’autorité, et tous les systèmes de croyances s’effondrent face à elle. Ma forteresse de l’Advaita radical avait été construite sur des fondations très précaires…"
(...)
"Si un enseignant était parfaitement
impersonnel, il n’existerait pas, rencontres et retraites seraient impossible.
L’océan ne parle pas. Pour pouvoir s’appeler impersonnel, un enseignant doit
d’abord s’inscrire dans le personnel, puis le rejeter. Ingénieux !"
"Ce
que ces enseignants ne peuvent pas voir, c’est que leur positionnement
« impersonnelle » (en fait anti-personnelle) est une préférence très personnelle.
Ils affirment que leur enseignement est
« impersonnel » et sans intention cachée (car il ne s’adresse pas à
vous en tant que personne séparée), alors que, bien entendu, leur préférence
pour éviter ou écarter votre histoire personnelle est très personnelle et
provient de l’intention de vous faire réaliser que vous n’êtes pas encore
libéré. En mettant en avant l’impersonnel, en faisant de l’impersonnel la
vérité absolue, ils créent en réalité la division même, qu’ils disent avoir
transcendée, entre l’impersonnel et le personnel, l’absolu et le relatif."
"Il
n’existe pas de message « impersonnel » - il n’y a que des personnes
qui agissent de façon impersonnelle envers les autres. Ce que nombre de
ces enseignants appellent « vérité impersonnelle » est en réalité leur
propre attitude anti-personnelle déguisée en fait objectif."
"S’il
n’y a « personne » c’est la crucifixion, et lorsque « quelqu’un »
apparaît c’est la résurrection. La crucifixion nécessite la résurrection
pour être complète. Ainsi l’Advaita radical n’est que partiellement
vrai – jusqu’à ce qu’il se complète avec sa réflexion."
"La
véritable liberté n’est pas de fuir le personnel pour l’impersonnel –
elle est à trouver au cœur même de l’expérience humaine la plus intime.
(...)
Je
remercie les enseignants de l’Advaita radical de chanter leurs chansons
et je m’écarte respectueusement de leur tradition une fois pour toutes –
car touts les traditions sont limitées et le chant de la vie ne peut
être contenu. Le fondamentalisme ne peut pas tenir, l’amour détruira
tout au final."
Le message d'un advaïta réaliste quant à lui se défini ainsi, selon Sri Aurobindo, extrait d'une lettre sur le yoga à propos du NIRVANA:
Le message de l'Advaïta Réaliste
selon Sri Aurobindo
Les gens parlent volontiers de l'advaïta comme
s'il était identique au monisme du Mâyâvâda, de même qu'ils parlent du Védânta
comme si ce n'était que l’advaïta ; tel n'est pas le cas. Il y
a plusieurs formes de philosophie hindoue qui prennent pour base la Réalité
Une, mais qui admettent aussi la réalité du monde, la réalité du Multiple, la
réalité des différences du Multiple aussi bien que celle de l'identité de l'Un
(bhedâbheda). Mais le Multiple existe dans l'Un et par l'Un, les
différences sont des variations dans la manifestation de ce qui fondamentalement
est toujours le même. Nous voyons cela en fait comme la loi universelle
d'existence, où l'unité est toujours la base, avec une multiplicité et une
variété sans fin dans l'unité ; tout comme par exemple il y a une seule
humanité, mais beaucoup d'espèces d'hommes, une chose que l'on appelle feuille
ou fleur, mais beaucoup de formes, de types et de couleurs de feuilles et de
fleurs. A travers cela nous pouvons remonter à l'un des secrets fondamentaux de
l'existence, le secret que recèle elle-même l'unique réalité...
Un advaïta réaliste est possible, tout aussi bien
qu'un advaïta illusionniste. Ainsi la philosophie de « La Vie
divine » est un advaïta réaliste. Le monde est une manifestation
du Réel et par conséquent il est lui-même réel. La réalité est le Divin infini
et éternel, la Conscience-Force et la Béatitude infinis et éternels. Ce Divin,
par son pouvoir, a créé le monde, ou plutôt l'a manifesté en Son propre être
infini. Mais ici dans le monde matériel, ou à sa base, il s'est caché dans ce
qui semble être ses contraires : le Non-être, l'Inconscience, l'Insensibilité.
C'est ce que nous appelons maintenant l'Inconscient qui semble, par son Énergie
inconsciente, avoir créé l'univers matériel, mais ce n'est là qu'une apparence,
car nous finissons par découvrir que tous les arrangements du monde ne peuvent
avoir été disposés que par l'action d'une intelligence secrète suprême. L’Être
caché dans ce qui paraît être un vide inconscient émerge dans le monde d'abord
dans la Matière, puis dans la Vie, puis dans le Mental, et finalement en tant
qu'Esprit.
L’Énergie apparemment inconsciente qui crée est en fait la Conscience-Force
du Divin, et son aspect de conscience, secret dans la Matière, commence à
émerger dans la Vie, trouve un peu plus de soi-même dans le Mental, et trouve
son être véritable dans une conscience spirituelle, et finalement dans une
conscience supramentale par laquelle nous sentons la Réalité, nous y pénétrons
et nous nous unissons avec elle.
C'est ce que nous appelons l'évolution, qui est une évolution de
conscience, une évolution de l'Esprit dans les choses, et qui n'est
qu'extérieurement une évolution de l'espèce. Et ainsi le délice d'existence
émerge de l'insensibilité générale, d'abord dans les formes opposées du
plaisir et de la douleur, puis doit se découvrir dans la béatitude de l'Esprit
ou, comme l'appelaient les Upanishads, la béatitude du Brahman. C'est là l'idée
centrale de l'explication de l'univers offerte dans « La Vie divine ».
Dans un advaïta réaliste, on n'a pas besoin de
considérer le Saguna comme une création du Nirguna, ni même comme lui étant
secondaire ou subordonné ; tous deux sont des aspects égaux de l'unique
Réalité... Il est raisonnable de supposer que tous deux (le Multiple et l'Un)
sont issus de la Réalité qui a manifesté l'univers et que tous deux sont réels.
Nous ne pouvons nous débarrasser de l'apparente contradiction — qui en réalité
n'est pas une contradiction, mais seulement une concomitance naturelle — qu'en
considérant l'un ou l'autre comme une illusion. Mais il n'est guère
raisonnable de supposer que la Réalité éternelle permet l'existence d'une
illusion éternelle avec laquelle elle n'a rien à voir, ou qu'elle soutient et
impose à l'être une vaine illusion cosmique et n'est capable d'aucune autre
action, d'aucune action réelle. La force du Divin est toujours présente dans
le silence comme dans l'action, inactive dans le silence, active dans la
manifestation. Il n'est guère possible de supposer que la Réalité divine n'a ni
puissance ni force, ou que son seul pouvoir est de créer une fausseté universelle,
un mensonge cosmique, mithyâ.
En définitive pour conclure sur
ces notions de Brahman personnel et impersonnel nous pouvons nous appuyer sur
cette définition lumineuse qu'en donne Sri Aurobindo dans The Hour of God:
Nous appelons l'état d'existence
le Brahman impersonnel et nous appelons l'Existant le Brahman personnel. Il n'
y a pas de différence entre eux que pour le jeu de notre conscience.